Le Coran est la parole de Dieu révélée à son dernier Messager Muhammad (paix et salut sur lui) par l’intermédiaire de l’ange Gabriel. Il est le seul texte révélé conservé totalement en état sans aucune altération, et ce depuis sa révélation jusqu’à ce jour. Il est un miracle éternel de science et d’éloquence. Bien sûr, ce miracle était d’abord destiné aux premiers auditeurs du Coran, à ceux qui avaient la capacité d’en comprendre la pureté de la langue. Ceci ne contredit guère l’universalité du Coran. Les preuves littéraires, scientifiques ou spirituelles dressées jusque là par les savants spécialistes, prouvent qu’il provient sans aucun doute de Dieu (Le Sage et Connaisseur des Secrets) et qu’il est valable pour toute époque et pour tous les hommes.
Dieu dit dans le Coran : « Nous leur montrerons Nos signes dans les horizons et en eux-mêmes jusqu’à ce qu’il leur devienne manifeste que c’est la vérité »[2].
Et dans un autre verset : « Que ne soumettent-ils donc le Coran à une profonde étude ? Et s’il provenait d’autre que Dieu, ils y trouveraient certainement des contradictions abondantes ».[3]
Le Coran constitue l’achèvement du processus des révélations célestes : en tant que tel, il inspire une philosophie et une phénoménologie de l’esprit religieux. Il parle de Dieu, il fournit les éléments qui Le font connaître aux hommes, ainsi que les moyens et voies de Sa manifestation dans le temps et l’espace des hommes : c’est une théologie. Il ordonne aux croyants de s’organiser selon des règles précises : c’est une sociologie, un droit et une économie. Enfin, il est perçu par cet organe subtil qu’est le cœur : il prône une voie mystique.
Il n’existe pas de commentaire canonique du Coran. Aux yeux des savants musulmans, la pratique exégétique reste ouverte et permise tant qu’elle reste cadrée par les règles strictes et rigoureuses établies par les premiers compagnons et par les savants eux même. Ces règles constituent ce qu’on appelle les sciences du Coran (‘Ulûm Al-qur’ân[4]) et visent à protéger les sens du Coran des mauvaises interprétations et éviter l’instrumentalisation du texte sacré pour des raisons terrestres.
Le Coran a été compilé (rassemblé) dans un premier temps sous les ordres du premier Calife bien guidé Abou Bakr (que Dieu l’agrée) puis définitivement à l’époque du troisième Calife bien guidé ‘Uthmân Ibn ‘Affân (que Dieu l’agrée).
وبقول عثمان لكتاب المصاحف : فإذا اختلفتم في حرف فاكتبوه بلغة قريش فإنما نزل بلسانهم
Chaque verset du Coran est lié à un contexte, qu’on appelle en science coranique: les raisons de la révélation (Asbâb An-nuzûl).
Le professeur Omar Benaïssa dit en parlant du sens des versets du Coran : « l’attitude qui consiste à exclure tout autre sens que le sens immédiat, c’est cela l’attitude intégriste. Ce n’est pas seulement une attitude religieuse, loin s’en faut. C’est une attitude humaine, trop humaine. Simple ignorance, elle s’appelle bigoterie ou foi du charbonnier. Mais quand elle aspire au pouvoir pour imposer sa règle, elle s’appelle intégrisme.
Ce n’est donc pas pour avoir trop médité leurs livres saints que certains croyants deviennent intégristes. Bien au contraire, c’est parce qu’ils ne le lisent pas assez…L’intégrisme n’est pas dans le texte, mais dans l’esprit du mauvais lecteur.
La découverte et l’acquisition des différents sens du Coran demandent du temps, et aussi une adaptation de la psychologie de façon à la rendre conforme au savoir acquis … »[5]
La sagesse et la pédagogie éducative et évolutive de la révélation ont fait qu’on distingue deux grandes catégories de versets coraniques :
les versets mecquois : ce sont les versets révélés à la Mecque avant l’émigration, leur but est de faire connaître aux être humains le Créateur (le législateur) pour L’Aimer et par là L’adorer et Lui obéir. Ils traitent du dogme, de la création, et de l’Unicité de Dieu…
Les versets médinois : révélés après l’émigration à Médine, ils enseignent aux croyants les grands principes de la foi et du culte. Ils traitent de l’organisation de l’Etat musulman (récemment établi à l’époque), incitent à l’appel à Dieu, et expliquent les convenances (âdâb) et les exigences comportementales de la religion tant au niveau commercial, individuel que social.
Quant aux statuts des versets, on peut distinguer :
1. L’abrogé et l’abrogeant (An-nâsikh wa al-mansûkh): certains versets figurent dans le Coran parce que la chronologie de la révélation l’a voulu et parce que la pédagogie évolutive de la sagesse coranique l’a exigé, mais ils ne sont plus applicables et ne comptent plus en matière de jurisprudence, à l’inverse certains versets étaient révélés au Prophète -paix et salut sur lui- et les compagnons les avaient appris, ensuite, Dieu révéla qu’ils soient abrogés (annulés en lecture et écriture:naql) du Coran, mais qu’ils restent applicables en matière de jurisprudence (hukm). Exemples d’abrogé et d’abrogeant :
« Ils t’interrogent sur le vin et le jeu (de hasard). Dis « Il y a en eux un grand péché et des profits pour les gens et leur péché est plus grand que leur profit. »[6]
Après la révélation de ce verset : une partie des musulmans a cessé de consommer le vin et une partie a réduit sa consommation…
Ensuite, et dans la continuité de cette pédagogie éducative, la révélation encourage la non consommation du vin en ordonnant aux musulmans de ne pas approcher la prière en état d’ivresse, ce qui ne constituait pas encore une interdiction ferme et claire de la consommation du vin :
« O vous qui avez cru ! N’approchez pas la prière alors que vous êtes ivres jusqu’à ce que vous sachiez ce que vous dites… »[7]
Puis enfin, quand la foi s’est consolidée dans les cœurs, le verset de la Sourate Al- Mâida a été ferme et immuable pour interdire définitivement la consommation du vin et les jeux du hasard et pour abroger le premier verset cité:
« O vous qui avez cru ! Le vin, la divination par les entrailles des victimes ainsi que le tirage au sort (jeu de hasard) ne sont qu’un acte impur de ce que fait Satan. Evitez le !….Le diable ne cherche qu’à introduire parmi vous les germes de la discorde par l’animosité et par la haine à travers le vin et le jeu (de hasard) et à vous détourner de l’invocation de Dieu et de la prière. Allez – vous donc y mettre fin ? »[8]
2. « le Muhkam et le Mutashâbih » : il y a des versets qui sont fermes, explicites et clairs, et des versets qui ne peuvent être compris qu’au deuxième degré : comme « la main de Dieu est au dessus de leur main »[9]…Ce sont les versets ambigus qui prêtent à confusion.
Il est important de rappeler ici le procédé utilisé quand on rencontre un texte du Coran qui rentre dans le statut des Mutashâbih (ambigus). Si un tel cas se présente, la voie la plus sûre est de remettre le sens d’un tel texte à Allah le Très Haut. Cette attitude s’appelle at-Tafwîd, et c’est la voie suivie par les premiers musulmans et par un petit nombre de théologiens. On dira alors que la signification (ma‘na) et la modalité (kayf) d’un tel texte sont inconnues. On croit au texte comme il a été révélé sans essayer d’en comprendre le sens (Dieu a mis ainsi, notre foi à l’épreuve et il convient à l’être humain de reconnaître sa faiblesse et son ignorance en toute humilité face au miracle du Coran[10]).
Dieu dit dans le Coran à propos des versets dits : mutashâbihât (ambigus) : « C’est Lui qui fit descendre sur toi le Livre dont certains versets sont bien explicités, ce sont l’Ecriture mère (muhkamâtun), et d’autres prêtent à confusion (mutashâbihâtun). Ceux qui ont en leur cœur une tendance à l’errance (dont les cœurs sont malades) suivent ce qui est équivoque en vue de la discorde et en vue de son interprétation. Or, ne sait son interprétation que Dieu, et les gens bien enracinés dans la science disent : « Nous y avons cru. Tout vient de notre Seigneur ».Seuls se souviennent les gens doués d’intelligence. »[11]
Les versets du Coran ne peuvent être interprétés que par les spécialistes en la matière (en sciences du Coran) qui connaissent le contexte et les raisons de la révélation, et qui ont à la fois les compétences intellectuelles et spirituelles nécessaires.
Il est important de signaler que les versets du Coran peuvent être commentés, explicités et / ou détaillés par le Hadîth (sunna) : comme c’est le cas pour la prière canonique, le jeûne ou l’aumône légale.
Notes de bas de page:
[1] Coran, Sourate : 17, verset : 88 et 89 : source de traduction : Al-Qur’ân Al-Karîm : traduction et notes Dr Salah Ed-dine Kechrid, édition : dâr Al-gharb Al-islâmî, 3éme édition. Nous allons nous baser sur cette traduction pour toutes nos références coraniques.
[2] Sourate 41, verset : 53.
[3] Sourate 4, verset : 82.
[4] Le Coran, a depuis sa révélation été l’objet d’études et d’enseignement. Il a été entouré d’une multitude de sciences s’intéressant tour à tour à son interprétation, à sa transmission, à sa diction, à sa transcription et au message qu’il délivre aux hommes quels que soient leur lieu ou leur époque : ces sciences s’appellent les sciences du Coran (‘ulûm al-qur’ân). Le compagnon ‘Abduallah Ibn Al-‘abbâs (que Dieu l’agrée) fut le plus grand maître en science d’interprétation du texte sacré, grâce à la prière du Prophète (paix et salut sur lui) pour lui. Ceci à côté du compagnon ‘Abdellah Ibn Masoud (que Dieu l’agrée) qui fut la deuxième plus grande source de commentaire coranique après Ibn Abbâs.
[5] « Le Coran : versets choisis et présentés par Omar Benaïsa », édition : Librio, essai de traduction de Jacques Berque : P7.
[6] Coran : Sourate 2, verset 219.
[7] Sourate 4, verset 43.
[8] Sourate 5, verset 90-91.
[9] Sourate 48, verset 10 : on ne peut comparer la main de Dieu à aucune de Ses créatures. Dieu n’a pas de semblable, et on ne peut rien imaginer à Son propos: car même notre imagination est une de Ses créations, donc elle reste faible et limitée, Dieu est au dessus de tout (voir le chapitre du dogme).
[10] Ni l’intelligence ni la science ne pourront permettre à l’être humain d’élucider tous les mystères du Coran : d’où l’importance de la foi qui permet de comprendre que l’être humain avec ses facultés ou ses compétences reste faible et dépendant de la grâce de son Seigneur.
[11] Sourate 3, verset 7.
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