Le parcours du combattant
Sheikh Kishk commença tôt l’apprentissage du Saint Coran dans sa ville. A l’âge de douze ans, il avait appris tout le Coran par cœur. Il partit à Alexandrie pour étudier dans la section primaire d’Al-Azhar, dans l’institut des études religieuses.
En 1952, le père de Sheikh Kishk quitta le monde. À l’époque, le Sheikh était devenu un prédicateur à l’issue du cycle primaire d’Al-Azhar. Il a tenté en vain de soigner ses yeux pendant deux ans. Son frère aîné, qui avait beaucoup d’ambitions pour lui, l’encouragea à partir pour Le Caire afin de s’inscrire au cycle secondaire, ce qui lui ouvrirait la voie vers l’enseignement supérieur d’Al-Azhar.
Au Caire, la vie du Sheikh n’était pas facile. Il avait toujours besoin d’une personne pour l’accompagner jusqu’à l’institut d’Al-Azhar. De même, l’apprentissage et la révision de ses cours n’étaient pas sans difficultés. Parfois il trouvait un ami aimable pour lui lire quelques pages, mais d’autres fois, il levait les mains au ciel priant Dieu pour lui envoyer une personne prête à lui lire. A une époque, il devait compter sur un vendeur de légumes qui avait l’amabilité de lui lire quotidiennement ses cours.
La première expérience du Sheikh avec le mimbar, la chaire de la mosquée, fut à Shabrakhît quand son oncle lui demanda de prêcher dans l’une des mosquées de la ville. Lorsqu’il s’inscrivit au cycle secondaire d’Al-Azhar, il fit la connaissance de Sheikh Ahmad `Îsâ `Âshûr, le président d’une association religieuse, Al-Jam`iyyah Ash-Shar`iyyah. Cette association a construit de nombreuses mosquées en Égypte et recrutait des prédicateurs à des niveaux différents de leurs études à Al-Azhar. Sheikh Ahmad `Âshûr encouragea vivement Sheikh `Abd Al-Hamîd pour qu’il entreprenne une carrière de prédicateur.
En 1962, une fois de plus, et malgré la difficulté latente pour trouver un lecteur pour l’aider, Sheikh `Abd Al-Hamîd fut le premier au classement pour le diplôme de fin d’études d’Al-Azhar. Chaque année, les majors de promotion étaient retenus pour enseigner à Al-Azhar. Mais l’année du Sheikh fut une exception : personne ne fut retenu. On lui assigna la mission de prédicateur dans une mosquée du Caire.
Sheikh Kishk était un prédicateur très actif. Il fit de la mosquée un véritable centre d’éducation publique. Il dispensait, pratiquement tous les jours, des cours d’exégèse du Coran et enseignait la vie du Prophète, la jurisprudence et la théologie. Sa renommée était en constante croissance. Il raconte que la première fois où il fit le sermon du vendredi dans sa mosquée, l’audience n’était constituée que de deux rangs. Très vite, les cafés, les rues et les commerces devenaient déserts lorsque Sheikh Kishk donnait une leçon dans la mosquée, devant une audience sans cesse croissante. Il fut transféré à une grande mosquée du Caire, la Mosquée de `Ayn Al-Hayâh où sa renommée atteignit des sommets.
Sheikh Kishk était caractérisé par un style unique et saisissant dans la prédication. Son éloquence, la force de sa voix, la beauté de son style, la sincérité de ses propos ouvraient les cœurs de son auditoire. A son écoute, les cœurs débordaient d’émotion.
En 1965, un émissaire du gouvernement lui demanda de déclarer publiquement que Sayyid Qutb, un célèbre penseur islamique révolté contre le gouvernement nassérien, était un apostat ! Sheikh Kishk, qui avait beaucoup de respect pour la pensée du martyr Sayyid Qutb, fut emprisonné pour avoir refusé l’ordre du gouvernement. A l’image de Sayyid Qutb, Sheikh Kishk ne craignait que Dieu, et il dénonça haut et fort les abus du gouvernement malgré les terribles tortures qu’il a subies en prison pendant trois ans. Sa tristesse fut énorme quand il apprit, depuis sa cellule de prison, l’exécution de Sayyid Qutb en 1966.
Au début des années 70, les nombreux disciples de Sheikh Kishk commencèrent une tradition qui donna à la réputation du Sheikh une dimension internationale. Toutes ses leçons et tous ses sermons du vendredi étaient enregistrés sur cassettes. Ses cassettes étaient parfois distribuées de façon irrégulière. Mais à la fin des années 70, les cassettes de Sheikh Kishk étaient largement appréciées dans tout le monde arabe depuis le Maroc jusqu’aux pays du Golfe. Une grande partie de la communauté musulmane arabophone veillait à se procurer ces cassettes, intitulées Madrasat Muhammad (A L’Ecole de Muhammad).
Sheikh Kishk avait l’habitude de s’impliquer, dans ses sermons et ses leçons, dans tous les problèmes liés la société. Il lutta contre toutes les formes de déviance, d’inconduite ou d’abus. Il disait : « La chose que j’ai le plus haïe au monde, c’est l’injustice. » Il combattait les injustices en élevant haut sa voix avec le cri de vérité. Son comportement digne lui valut de nombreux déboires avec des membres du gouvernement…