Asfiyahi.Org Contribution Le GAMOU 2014-2015 et les recommandations de Serigne Cheikh Ahmad Tidiane SY Al Makhtoum : éléments d’un message universel
Contribution

Le GAMOU 2014-2015 et les recommandations de Serigne Cheikh Ahmad Tidiane SY Al Makhtoum : éléments d’un message universel

Louage à Allah (SWT), qui par sa Sagesse Ultime a fait jaillir sa Lumière sur le Prophète Mouhammed (PSL), le Seau des prophètes, à partir de la Lumière Duquel IL a fait jaillir les Lumières de la création. Seydi El Hadji Malick SY (RTA) en a fait un élément d’introduction dans Khilaasou Zahab par ceci : « Quant à lui (Mouhamad), dès que Allah (SWT) a voulu notre création, il a fait jaillir à partir de Sa Lumière la Lumière du Seau de la création de l’Univers (Mouhammad) ». Le prophète Mouhammad (PSL) est ainsi la source de toutes les lumières, sur Qui, Allah lui-même a prié Le Premier et a enjoint les être Humains à prier sur Lui : « Allah et ses Anges prient sur le Prophète Mouhammad, Ô vous gens qui croyez, priez sur Lui en permanence ». Voila d’ailleurs le sens du Wird Tidiane, qui, au-delà de la Profession de Foi et de la quête en permanence du Pardon d’Allah (SWT), est arrimé sur la Salaatou Faatihi, le meilleur des prières sur Mouhammad (PSL). Mouhammad (PSL) a donc été la Parole ambulante d’Allah (SWT) et sa pratique absolue, en guise de viatique et de source d’inspirations pour l’homme dans sa quête de quiétude, de justice et d’harmonie avec son âme. Sur ce, Cheikh Seydi El Hadji Malick a écrit : « par sa stratégie et par son meilleur comportement, il (Mouhammad-PSL) a montré la voie ». Et comme l’a souvent exprimé Serigne Mouhamadoul Moustapha SY : « Son Âme étant la source de toutes autres Âmes, sa Responsabilité est engagée dans l’acheminement des êtres vers le Paradis ».

Dès lors, le rappel incessant et permanent de la tradition prophétique et de sa manière de vivre est un fondement inaliénable pour pousser l’Homme à éviter les dérapages par rapport au pacte qui lie à son seigneur depuis la création de son âme. D’ailleurs le mot Homme en arabe est « In saane », c’est-à-dire celui qui oublie. C’est pourquoi dans le Coran ALLAH (SWT) a répété une multitude de fois au Prophète Mouhammad (PSL) son devoir de rappel vis-à-vis des croyants : « Et rappelle, puisque c’est le rappel qui peut mieux servir les croyants ». Le Gamou (Mawlid), qui a été totalement révolutionné par Seydi El Hadji Malick SY depuis 1901, est donc une occasion pour, d’abord, veiller à ne pas laisser inaperçu le jour où le meilleur des créatures fut né, ensuite de faire de cet anniversaire de la naissance du Prophète Mouhammad (PSL) une occasion pour rappeler ses recommandations et son héritage spirituels, et enfin témoigner de notre amour sans faille vis-à-vis de Mouhammad (PSL) en prenant la peine de se mouvoir et s’amender pour lui. El hadji Malick SY a dit dans Khilassou Zahab : « Point d’intérêts dans l’amour sans la pratique ».

Cette édition du Gamou, que nous venons de boucler, a été plein d’enseignements. Le Khalife des Tidianes, Cheikh Ahmad Tidiane SY Al Makhtoum, a fait relayer par le Porte famille de la famille Serigne Abdoul Aziz SY AL Amiine, des recommandations pleines de sens à tous les égards. Dans un monde caractérisé par une instabilité chronique surtout sur les plans sécuritaire et économique, seul retour franc vers le legs Mouhamadien peut permettre de décrisper un environnement international qui, paradoxalement, est infesté par les tendances à l’extrémisme, à l’exclusion et à la xénophobie. L’Islam est déjà la tolérance dans sa meilleure acception. Le Coran l’a bien précisé dans la Sourate Al Bakhara « Nulle contrainte en religion car le Droit Chemin s’est distingué du mauvais. Et quiconque tourne le dos aux mécréants et croient en Allah, celui là tient l’anse la plus solide ». L’on peut attester que l’Islam est la meilleure des voies, tout en respectant le droit aux croyants d’autres pratiques religieuses de lui préférer la leur. Il en est de même pour la Tidianya. Toujours est-il qu’il ne faut pas glisser dans un fondamentalisme qui appelle à la profanation des autres croyances. On rapporte qu’il arrivait que le Prophète Mouhammad (PSL), par sa sagesse sublime, ait eu à prêter sa mosquée aux chrétiens de son époque afin de leur faciliter la tenue de la Messe.

La force d’un croyant réside alors dans sa capacité à faire face à la contradiction par l’argumentaire et l’exemplarité dans le comportement. Dans le message de ce Gamou, Al Amiine, rapporte que durant le jour de la naissance du prophète Mouhamed (PSL), le Lion a embrassé l’Antilope, le Chien a embrassé le Singe, de même que l’Hyène a embrassé la Chèvre. Un tel évènement mérite une longue méditation, à tel enseigne de pouvoir comprendre que l’héritage prophétique est adossé à l’hypothèse fondamentale de la coexistence pacifique des hommes dans la diversité, dans l’adversité et dans l’entre-aide pour la promotion du bien et l’anéantissement du mal. Mouhammed (PSL), disait que : « La terreur s’endort et Allah (SWT) maudit quiconque la réveille ». Il a également écrit que « Il fait partie de ce qui embelli la croyance de quelqu’un, de ne pas s’occuper de ce qui ne le regarde pas ». C’est dans ce sillage que Seydi Ababacar SY avait initié les Da-ira depuis 1927, des sortes d’associations par la pratique islamique dans la solidarité spirituelle et matérielle.

Le partage et la juste mesure sont ainsi des valeurs islamiques fondamentales. Mouhammed avait dit que « la meilleure des choses est le juste milieu ». Dans le Coran, il est bien mentionné « Mangez, buvez et ne gaspillez pas ». Voila, entre autres, des dispositions émises par Allah (SWT) et son prophète (PSL) depuis 1437 ans et dont la négligence produit les effets que nous connaissons. Actuellement le Produit Mondial Brut se situe à 90 000 milliards US Dollars alors que la consommation mondiale fait moins de 80 000 milliards US Dollars. L’humanité produit plus que ce qui est nécessaire, avec pas moins de 100 millions de tonnes de nourritures jetées annuellement contrastant avec un niveau de pauvreté aigu dans plusieurs coins de la planète. L’environnement est inutilement dégradé et l’excès est bien visible en occident avec le développement de nouvelles maladies liées à la nourriture dont l’obésité. Le Coran et la tradition prophétique contiennent toutes les recommandations pour un mode meilleur où le développement sera justement celui qui permet aux générations actuelles de satisfaire leur besoin tout en ne compromettant la possibilité pour les générations futures de satisfaire les leurs. Il est donc impossible que l’Islam soit une religion qui prône la terreur, l’exclusion, l’indifférence vis-à-vis des nécessiteux ou le massacre d’innocents. D’autres messages aussi importants les uns que les autres ont été également relayés par Serigne Abdoul Aziz SY Al Amiine, notamment sur l’agriculture, l’emploi et l’éducation.

Sur l’éducation et l’emploi

Le sens profond de cet appel peut être saisi à travers les multiples problèmes qui gangrènent l’éducation dans notre pays. L’Etat est de plus en plus submergé par des effectifs de plus en plus importants, que la hausse substantielle du budget de l’éducation national n’a pu endiguer jusqu’à présent. De même que l’inadéquation entre les offres de formation et les besoins du pays relègue les universités à des rôles d’usines de fabrication de chômeurs. Au lieu de réfléchir sur cette racine du problème, le gouvernement est plutôt préoccupé par l’orientation des multiples bacheliers dont le nombre dépasse de loin les capacités d’accueil des cinq universités du pays. Or, comme on peut le lire dans la thématique générale du Gamou de cette année exposée par Serigne Abdoul aziz SY Al Amiine lors de la cérémonie officielle : « Seul le savoir et sa pratique permettront de surmonter les problèmes et d’atteindre les objectifs ». Cette thématique est également un appel lancé aux gouvernants pour les inciter à recourir aux meilleures expertises possibles, dont regorge en abondance le Sénégal.

Cependant, les universités sénégalaises forment trop de littéraires et les matières scientifiques n’ont pas encore atteint leur seuil d’incidences significatives sur la résorption du chômage. Celle-ci dépend beaucoup de la mobilisation d’investisseurs étrangers et locaux, dont les activités sur le plan des technologies sont plombées par la carence des compétences scientifiques dans le pays. Dans un passé récent, certaines multinationales installées chez nous ont été obligées de venir avec des techniciens sur certains domaines pointus tels que l’électronique. Ainsi, le conseil que Seydi Ababacar SY (RTA) avait formulé à l’égard de tous les Tidianes est plus que d’actualité : « Prenez toutes les sciences, puisque c’est ça c’est votre héritage ». Il est donc permis de remodeler et de repenser l’éducation et la formation dans le sens d’une meilleure appropriation des sciences et du progrès technique.

Pour les économistes, le progrès technique crée du chômage qui peut être compensé par les emplois créés dans la fabrication et le fonctionnement des machines. Mais dans le cas du Sénégal où les machines sont importées, l’utilisation de celles-ci crée du chômage cyclique. D’ailleurs les publications de l’ANSD (2014) montrent que la facture des importations est aggravée par les machines et autres appareils (destinés à l’industrie alimentaire) qui ont augmenté de 114,7% en 2014. A défaut de fabriquer directement des machines, le Sénégal peut jouer la carte de l’attraction des multinationales de la technologie en préparant une main d’œuvre capable de travailler à la production des biens technologiques et autres biens sophistiqués. C’est pourquoi, la formation supérieure doit privilégier les filières scientifiques qui doivent se développer suivant un processus de désengorgement progressif de la faculté des lettres de l’université de Dakar. Le gouvernement peut commencer par annoncer l’orientation et l’octroi automatique d’une bourse à tous les bacheliers scientifiques, même ceux qui passent au deuxième tour. Une telle disposition permettrait d’agir en amont sur les choix de Série dès le lycée, en vue d’inciter les élèves à s’imprégner des matières scientifiques depuis le collège. Former des scientifiques est également porteurs d’autres avantages pour la lutte contre le chômage : un médecin ayant fini sa formation peut créer une clinique et créer à lui seul une dizaine d’emplois. De même qu’un étudiant formé en comptabilité peut créer un cabinet d’expertise et créer 4 à 5 emplois. Mais les étudiants émoulus des facultés de lettres s’insèrent en majorité dans l’enseignement élémentaire et secondaire qui a actuellement atteint un niveau de saturation aigue.

Sur l’agriculture

Lors de sa dernière sortie au Gamou 2010, Serigne Cheikh Ahmad Tidiane SY avait déclaré qu’il fallait éviter que les marabouts soient plus nombreux que les talibés et que les politiciens soient plus nombreux que les militants. Encore une déclaration contextuelle qui mérite pleine méditations. L’Islam est, en effet, devenu un fonds de commerce utilisé par des gourous embusqués, des sortes de loups à la carapace de chèvres, qui exploitent des parcelles de pouvoir religieux savamment entretenues. De même que la multiplicité des partis politiques (plus de 200 dans un pays de 13 millions d’habitants) dénote d’une intension inavouée de certains politiciens d’exploiter des individus acquis à leur cause pour faire chanter les régimes en leur miroitant un pouvoir militant fictif afin d’entrer dans les grâces du pouvoir. Le résultat est l’existence de coalitions hétéroclites qui arrivent au pouvoir avec des incohérences idéologiques et l’obligation d’entretien d’une clientèle politique extravagante qui gène la bonne gouvernance du pays. C’est pourquoi, le gouvernement a du mal à se passer de certaines agences et institutions inutiles qu’il utilise pour caser cette clientèle. De même que les changements intempestifs de premiers ministres et de gouvernements s’expliquent essentiellement par l’égoïsme de certains politiciens tapis dans l’ombre et guettant le moindre changement pour espérer prendre leur part en jetant en pâture les hommes en place.

L’entretien de la clientèle politique est ainsi le premier élément explicatif du caractère exorbitant des charges courantes de l’Etat et de la maigreur des investissements publics. C’est ce qui explique par exemple que sur les 2731 milliards FCFA de budget voté en 2014, l’Etat n’ait pu accorder que 137 milliards à l’agriculture soit 5%, alors que l’on dit que l’agriculture est la priorité du pays. L’autre élément qui obstrue le développement de l’agriculture, et qui a été bien rappelé par Serigne Abdoul Aziz Al Amiine, est l’effritement de la main d’œuvre agricole qui, par exode rural, est parti ne rien faire dans les centres urbains et surtout à Dakar. On peut remarquer, par exemple, que les charretiers et les conducteurs de calèches ne venaient à Dakar que pendant la saison sèche et ils retournaient à la campagne en saison des pluies pour les besoins de l’agriculture. Mais maintenant, on les voit toute l’année à Dakar et dans les autres villes, en plus des gardiens, des ambulants et autres jeunes qui ne croient plus à l’agriculture. Et je laisse méditer cette lamentation d’un émigré : « Hier, on combinait émigration et agriculture pour amortir les charges familiales. Le matin, on cuisine la bouillie avec le mil récolté. Au déjeuner, on prépare le riz acheté par les émigrés. Le soir, on prépare du couscous, fruit de notre récolte. Ainsi, l’émigré pouvait se constituer une épargne. Mais, de nos jours, tout repose sur l’émigration. Les jeunes sont devenus paresseux. Personne ne cultive. Le matin, c’est devenu café au lait plus Nutella, le midi un bon riz aux poissons, le soir, une bonne grillade de viande ou de poissons». Le malheur est que la plupart de ces nouveaux produits de consommation sont importés alors que le potentiel de production locale est là. Mais faudrait-il bien qu’il y ait des gens qui s’occupent de l’agriculture. Dans ce combat, aussi bien l’Etat que les populations sont interpelés. Il nous faut une bonne stratégie de reconstitution de la main d’œuvre agricole après les résultats mitigés du plan REVA et de la GOANA. Osons espérer que la communalisation universelle de l’acte 3 de la décentralisation sera un socle déterminant pour l’émergence de véritables nouvelles villes et que les nouveaux programmes agricoles adossés au Plan Sénégal Emergent (PSE) seront porteurs d’un intéressement suffisant pour une pratique plus élargie de l’agriculture.

Dr El Hadji Mounirou NDIAYE, économiste.
Université de THIES.
(elhadjimounirou@gmail.com)

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