Le soir, arborant notre habit de sacralisation (« Ihram »), nous coupâmes le jeun à Masjid Taneem, formulâmes notre intention de faire la Oumrah et prîmes la direction de la Kaaba pour le « Tawaf » et le « Safaak Marwa ». Moment de joie et de bonheur couronné par une fine pluie inattendue qui s’abattit sur la Mecque le samedi après-midi.
Cependant, les pèlerins doivent aussi faire preuve de discipline et de collaboration sans limites pour faciliter la tâche aux organisateurs. Les nations viennent avec des niveaux d’organisation disparates. Et le comportement des uns et des autres face au bien commun est d’une importance capitale pour obtenir un traitement de faveur auprès du Ministère du Hajj. D’ailleurs, les wolof ont raison de dire que « oudé ni nga diké la lay euweulé sa dalle ». Sur ce chapitre, l’exemple le plus achevé sur ces différences de comportement est le séjour de trois jours que les pèlerins doivent effectuer à Mina’. Ce désert situé à 5 kilomètres de la Mecque est un passage obligé durant le grand pèlerinage. Des tentes sont érigées en guise d’habitation de fortune. Et toutes les nations sont logées dans les mêmes conditions d’hébergement. Surface plane, toilettes amovibles, climatisation transportable, cabane pour accueil et information. Bref elles bénéficient toutes de la même logistique et des mêmes infrastructures de base.
Pour ces derniers, il faut parfois enjamber des bassines remplies de viande de mouton pour pouvoir se frayer un chemin à l’entrée. Il n’est pas rare de voir un groupe de Sénégalais préparer des repas de « tiéré bassi » alors que les conditions pour assurer une hygiène corporelle optimale ne sont pas souvent réunies. Et pourtant il existe des kits alimentaires à l’intérieur duquel le pèlerin peut trouver un sandwich, une boisson sucrée, des fruits et le tour est joué pendant trois jours. Cette cuisine est non seulement saine, mais elle est certifiée par les autorités médicales. Cela ne nécessite ni ustensile, ni lavage à grande eau d’assiettes ou de marmites. Utilisé une fois, le kit est jeté dans des poubelles ramassées quelques heures après par les grosses bennes à ordures. Les Sud-Africains ont demandé à ne plus être logés avec leur frère du continent et préfèrent maintenant être parmi les Asiatiques. Même le Rooz Boukhari, riz servi par les autorités saoudiennes avec du poulet n’est pas suffisamment au gout des habitudes alimentaires de mon parent sénégalais.
Lui, pense qu’un bon tiébou dieune bien assaisonné avec du « Yéét », du « Guedji » et du « Nététou » est indispensable pour son confort abdominal. Même pour trois jours ! Les restauratrices sénégalaises mobilisent un dispositif impressionnant pour assurer la logistique. Quitte à payer plus de 200kg d’excédent de bagages pour réaliser le Deukhine ou le Domoda. A la fin de leur séjour, lorsque les Rials commencent à se faire désirer, ils sont accueillis dans les boufia (gargote saoudienne) dans des conditions d’hygiène pas du tout adéquates. Après on s’étonne que le plus grand nombre de malades admis à l’hôpital pour intoxication soit des africains. C’est pourquoi le gouvernement sénégalais doit prendre des mesures draconiennes pour amener nos sœurs et nos frères à la raison. La Mecque n’est pas une destination balnéaire pour une promenade de santé. Elle exige un minimum d’esprit de détachement et de renoncement aux habitudes culturelles.
Tout d’abord, il serait préférable de renouveler le personnel d’encadrement (la mission). Cet effectif composé officiellement de 140 personnes atteignait du temps de l’ancien régime presque 400 individus payés aux frais du contribuable avec per diem et prise en charge totale, pour ne rien faire. Le plus dramatique ce n’est pas le fait qu’ils se partagent les meilleures chambres d’hôtels en passant leur temps à faire du shopping au lieu de s’occuper des pauvres pèlerins laissés à eux-mêmes, le plus dramatique c’est qu’ils n’ont aucune formation pour encadrer et assister les 10 000 âmes qu’on leur a confiées le temps du pèlerinage. Or le problème majeur du pèlerin sénégalais n’est pas d’ordre religieux mais d’ordre purement logistique. Car il s’agit tout simplement de déplacer d’un point A à un point B et ensuite vers un point C ces 10 000 « houjaaj » parmi 6.000.000 de pèlerins. Et le seul corps au Sénégal qui a reçu la formation pour ce type d’exercice c’est l’armée. Les militaires sont formés pour déplacer des foules en période hostile (guerre, tremblement de terre, inondation, épidémie etc). Ils ont la capacité physique, la stratégie, la logistique, le système de communication et le dévouement nécessaire pour réussir ce genre de mission. C’est pourquoi nous préconisons que la moitié du personnel d’encadrement soit composée de ces militaires sénégalais qui, après avoir effectué deux ans de stage de reconnaissance du terrain en situation réelle de pèlerinage, seront beaucoup plus utiles pour cette tâche que ceux qui sont actuellement choisis sur la base d’une complaisance irrationnelle.
Ensuite les Sénégalais installés en Arabie Saoudite devraient être impliqués davantage dans la préparation du pèlerinage. Les conseils interministériels sur le pèlerinage ne peuvent pas se tenir sans leur présence. D’un point de vue pratique, on pourrait utiliser la vidéoconférence afin de pallier la distance. Il faudrait aussi multiplier les rencontres avec le Ministre Saoudien du Hadji en dehors des réunions formelles de coordination avec les autres pays et négocier fermement certains avantages. Pour cela des missions fréquentes du Sénégal en Arabie Saoudite seraient nécessaires.
Troisièmement, il faut discuter avec les pèlerins sur la pertinence de leur choix alimentaire et les modifier en conséquence. En réalité, les autorités saoudiennes auront toujours du mal à mettre à notre disposition les meilleurs hôtels dont nous rêvons, les bons emplacements pour notre confort et les meilleurs moyens logistiques si à chaque fois ces infrastructures se retrouvent dégradées en l’espace de quelques semaines. En Indonésie et en Malaisie, où les pèlerins sont les plus disciplinés au monde, les centaines de milliers de candidats reçoivent une formation avec un examen final, assorti de la délivrance d’un permis, avant d’être éligibles à effectuer le pèlerinage.
Enfin il est nécessaire de se poser des questions sur le choix porté sur la compagnie Sénégal Airlines malgré le discours servi habituellement sur la préférence nationale. Ce choix est-il le meilleur, vu les difficultés financières que traverse cette compagnie ? Dans tous les cas, il faudra règlementer les deux premiers vols du pèlerinage, car c’est toujours à ce niveau qu’apparaît le mal. En effet, les commerçants y occupent près de 60% des sièges sans compter leur lot de matériels et de marchandises.
En définitive, la Oumrah 2014 fut remplie d’émotions et d’espoir. Plut à ALLAH (SWT) que toutes nos prières soient exaucées. Amine !
Cheikh Oumar SY Djamil
Samedi 2 Aout 2014
cofsy@hotmail.com