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INTERLIGNES – Tamarrud ! Leçons d’Egypte

A y regarder de plus près, les frères musulmans d’une part et l’opposition qui a obtenu le  »départ » du président de la République d’Egypte d’autre part, se sont confrontés à cause d’une vision antagonique sur la question. Les premiers psalmodiant dogmatiquement la légalité et les autres s’engageant pour que les épousailles entre légalité et légitimité enfantent la véritable démocratie.

Ce que nous entendons par la véritable démocratie, c’est une pratique qui permet à une majorité de gouverner selon un projet certes, mais dans une perspective de cohésion nationale, d’égalité et de progrès social. La gestion de la majorité des urnes ne signifie pas, dans une démocratie, une conversion de la nation, plurielle dans ses croyances et options politiques, en un ordre qui obéit à un dogme.

Dans une démocratie véritable, l’ordre politique doit être, de mon point de vue, un instrument pour changer positivement la société. Et cela suppose que l’Etat soit le socle autour de quoi s’articulent les système partisan et juridique, les forces sociales et l’organisation militaire, dans un jeu où la finalité reste la cohésion et la grandeur de la nation, dans une perspective de progrés. Cela n’a rien à voir avec l’appropriation de l’Etat et de ses démembrements par des  »vainqueurs » à la façon  »fii ñoo ko moom ».
Et c’est à ce niveau, qu’en Egypte, on a noté des errements de la part du régime des frères musulmans.

A suivre la pratique gouvernementale de Morsi, on a l’impression qu’il comprenait le vote issu des urnes en sa faveur comme étant un blanc-seing pour  »frériser » l’Egypte. C’est comme si pour lui et ses partisans, le nouvel ordre politique voulu par les Egyptiens signifiaient l’instauration d’un ordre dans le sens religieux du terme. Son attitude reflétait la posture de quelqu’un qui avait une lecture très simple de la légalité :  »les urnes ont parlé » en faveur de tel groupe à la tête de l’Etat, il fallait créer les condition d’un lignage se réclamant de la même idéologie, en l’occurrence  »frériste ».

Cela aurait pu être compris, sans être juste, si ce lignage avait été inspirateur, initiateur et conducteur de la révolution qui a enfanté le nouvel ordre. Tout le monde sait qu’il n’en est pas ainsi. Mieux, ni les slogans de la révolution, ni les mots d’ordre et autres codes n’avaient une coloration religieuse. Les Egyptiennes et les Egyptiens, réclamaient la démocratie, la justice sociale, la transparence, bref une gouvernance démocratique, dans le sens moderne du terme. Ce qui ne signifie point qu’ils aient exclu l’islam du jeu. C’est sans doute, ce qui explique que M. Morsi ait obtenu le pouvoir, de manière démocratique. Le problème ne réside pas à ce niveau car, nul n’a contesté la légalité de son pouvoir. Cependant, la légitimité est le pendant, je dirais même, l’objet de la légalité. Or, dans la façon dont il a géré le pouvoir obtenu dans des conditions démocratiquement acceptables prouvent qu’il a perdu la légitimité. Il a ignoré, dans sa pratique du pouvoir, l’origine de ce dernier et ne se focalisait que sur son origine à lui. L’oubli de ce référentiel, et la priorité accordée au référentiel de sa coterie auquel tout devait être ajusté, ont constitué des erreurs impardonnables.

L’oubli de l’arrière plan historique qui a été à l’origine de son élection tout aussi historique, a causé son erreur dans l’appréciation que lui et ses partisans ont eu de l’appel des Egyptiens pour rectifier la révolution. Chez nous l’adage dit : ku wat jubb bi tax ñu fal la doo tu ñu la xamme », en d’autres termes en reniant le projet, on perd la légitimité.

Or, ici, le projet était dans l’exigence de démocratie et de transparence, dans une gouvernance inclusive et non sectaire. En répétant comme une litanie que son pouvoir était bâti sur la légalité tout en restant sourd à la clameur de la place Tahrir, M. Morsi a fait preuve d’une amnésie. C’est encore trop frais dans les mémoires que son pouvoir à lui, a été possible grâce au même engagement de ce même peuple qui a osé rêver la dignité. Ce qui a mis Mubarak hors jeu et a écarté Tantawi et l’armée de l’exercice du pouvoir politique..

Ceci pour dire que la démocratie ne se limite pas au jeu des élections et au décompte des voix pour désigner un vainqueur. Elle est surtout une pratique et une morale de gouvernement. A défaut, la légalité n’a pas de sens et il est légitime de se révolter. Tamarrud !
(A suivre, ISA)

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