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INTERLIGNES – De l’universalité des Droits de l’Homme

Par conséquent, elle recèle en elle les facteurs de convergence autour de l’homme-dans sa dimension essentielle- et aussi de divergences sur la vision que ce dernier, déterminé par son histoire, son environnement et ses projections culturelles, peut avoir de son être dans son milieu. C’est ainsi que les droits humains renvoient à un ensemble de perceptions qui touchent à la philosophie, à la morale et à la politique.

Et Puisque la religion et la morale sont des catégories qui reflètent aussi une certaine territorialité, il devient difficile, pour ce qui les concerne de trouver une universalité qui leur soit commune, de façon absolue. C’est pourquoi, le débat sur les Droits Humains débouche très souvent sur un malentendu entre les idéologies, entre les systèmes politiques. Il pose la problématique de l’articulation entre les valeurs, entre le culturel et l’universel. Peut-être même, met-il en jeu la hiérarchie des normes.

Concernant l’islam, l’engagement qu’il sollicite de la part du croyant pour les DH va au-delà de l’Homme. Alors que le non croyant s’engage au nom de l’humanité, le croyant s’engage par devoir d’obéissance à Dieu. La dialectique DH/Droits de Dieu lui rappelle que les droits qu’il s’engage à promouvoir et à protéger sont dévolus à l’être humain par celui-là même qu’il adore. Cet engagement résulte aussi de son appartenance à la communauté intermédiaire, – أمة وسطا- la communauté des justes, ceux qui sont les gardiens et témoins de l’équité au sein de l’humanité, – لتكونوا شهداء على الناس- Baqra 143.

Pour le croyant en islam, l’exigence des DH est inscrite depuis les origines, dans l’élection de l’homme en tant que vicaire et dans l’affirmation forte de l’égale dignité des fils d’Adam. Le Coran le proclame avec insistance :
"Certes, Nous avons honoré les fils d’Adam. Nous les avons transportés sur terre et sur mer, leur avons attribué de bonnes choses comme nourriture, et Nous les avons nettement préférés à plusieurs de Nos créatures." Sourate Les abeilles, verset 70.

Cette forte proclamation est confortée par l’exemplarité de la pratique prophétique, le long de sa mission consacrée par son ultime déclaration  »trans-temporelle », déclamée du sommet de la montagne de la Miséricorde, lors de son dernier pèlerinage. S’adressant non pas aux croyants, mais à l’humanité, ad vitam aeternam, il proclamait solennellement, dans la posture, le lieu et l’événement, ce qui suit:

– l’égalité de tous les hommes et l’absurdité d’une quelconque supériorité fondée sur la couleur de la peau ou la langue. La qualité étant dans la conscience de Dieu.
– la vie est sacrée, tout comme les biens et l’honneur de chaque être humain.
– la sacralisation de la patrie, tout comme de la religion et de ses rites.
– la réaffirmations de la dignité de la femme,
– la projection d’une Ethique économique par l’interdiction de l’usure, de la spéculation, de l’enrichissement non proportionnel à l’effort fourni.

Auparavant dans le Coran, l’affirmation de la gouvernance par voie de consultation des populations a été proclamée, ce qui exclut toute gouvernance de droit divin. La proclamation de la liberté de croyance aussi, et de la façon la plus explicite.

En revenant sur la déclaration du dernier pèlerinage, on s’aperçoit que ce fut, dans l’histoire de l’humanité, la première proclamation, faite de manière aussi solennelle, de droits de l’homme. Il a fallu attendre des siècles après, avec de sombres atteintes à ces droits, pour que des peuples se révoltent et aboutissent à les rappeler par des déclarations publiques afin de les rétablir et de les garantir.

Ici, en Afrique la charte du Mande adoptée en 1236 après la bataille de Kirina par les représentants du Mandé et leurs alliés, proclamait " la paix sociale dans la diversité, l’inviolabilité de la personne humaine, l’éducation, l’intégrité de la patrie, la sécurité alimentaire, l’abolition de l’esclavage par la razzia, la liberté d’expression et d’entreprise. »

Au Sénégal, Nâçir Dine adressait aux rois esclavagistes en 1672 des missives pour s’opposer radicalement à la traite des esclaves et à la tyrannie des souverains. La convention de gouvernance des Alamamis (1776), proclamait la sacralité de la dignité humaine, la non hérédité dans les charges gouvernementales, l’interdiction et la punition de l’enrichissement illicite sur la base d’une position de pouvoir, etc.

Pourtant, lorsqu’on fait la rétrospective des droits humains, tels que reçus de nos jours en tant que principe universel, on ne trouve nulle part où ces différents éléments aient été cités. Aussi loin que l’on puisse remonter, dans les écrits qui nous parviennent, on ne dépasse pas la Magna carata de 1256 qui est pourtant postérieure à la charte du Mande. Ce qui donne aux Droits Humains, dans leur texture contemporaine, une filiation exclusivement occidentale à travers la DUDH qui reprend dans son essence la déclaration anglaise des droits, la déclaration d’indépendance américaine et le Bill of rights, la déclaration française des droits de l’homme et du citoyen. On ne doit pas s’étonner, dés lors, des rejets que l’application de ces droits humains occasionne ça et là, en certaines circonstances, au sein de nos sociétés.

Ces dernières, inscrites dans une dynamique de progrès et de construction d’une civilisation mondiale, pour parler comme le Pr Djibril Samb, ne peuvent ignorer leurs cultures, leur histoire dans l’application de ces droits. Sans en faire un magma de  »vérités immuables », sans sacraliser les vertueux ancêtres, elles ne doivent pas non plus opérer un déni de leurs patrimoines culturels et intellectuels, politiques et sociaux et paraitre n’avoir rien apporté.

Les droits humains sont-ils une sorte de posologie prête à être appliquée partout avec la même dose, devant les mêmes phénomènes sociaux? A ce niveau, il est bon de rappeler les propos de Larquer et Rubin in Anthologie des droits de l’homme, Nouveaux horizons, 1979 :  » »les mêmes critères ne sont pas applicables dans le monde entier. Le contexte culturel et social, le niveau de développement de chaque pays doivent être pris en compte ».

Le juge Keba Mbaye, qu’Allah l’élève au rang des agréés, l’avait si bien compris, lui et ses pairs qui ont été à l’initiative de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. C’est cette même conviction que les Droits Humains doivent refléter les trajectoires et les projections des sociétés, dans une dynamique dialogique et non dominatrice que la Déclaration islamique universelle des Droits de l’homme a été proposée ainsi que tous les autres instruments de l’OCI sur la question.

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