Mais, pourquoi donc, « ils se ressemblent tant en qualités humaines », s’interroge, un jour de Ramadan, un jeune membre du clergé catholique après avoir suivi discrètement leur commune conférence publique dans un quartier de Dakar. C’est parce que, répond un Imam présent sur les lieux, « ils sont de dignes héritiers de leurs pères et de leur grand-père ».
En d’autres termes, ils ne sont ni prophètes, ni messagers. Ils sont des missionnaires, autrement dit des porteurs de Bonne nouvelle, c’est-à-dire des bâtisseurs d’âme. Et naturellement, l’évidence coule de source.
Serigne Mbaye Sy Mansour fait l’unanimité autour de sa personne et sur sa personnalité. L’opinion publique a de lui l’image d’un homme de vérité et de justice. Chez lui et avec lui, la liberté n’abdique point et la vérité n’est pas une guenille à vendre. S’il était à rebaptiser, on l’appellerait indubitablement Abdoul Khaqq, le Serviteur de la Vérité, en raison de son incorruptibilité, de sa sincérité et de sa constance et si Serigne Maodo Sy Dabakh devait changer de nom, il serait simplement désigné par le nom d’Abdoul Salam, le Serviteur de la Paix tellement il ne s’identifie qu’à la Justice et à la Paix, marques identitaires de son illustre père, Seydi Abdou Aziz Sy Dabakh !
Fils aîné de Serigne Mouhamadou Mansour Sy Maodo qui est le grand-frère de Seydi Abdoul Aziz Sy Dabakh lui-même père de Serigne Maodo Sy Dabakh, Serigne Mbaye Sy Mansour se caractérise surtout par son discours direct, franc et engagé. Son père et celui de Serigne Maodo Sy Dabakh sont des frères. Mais dans la civilisation africaine comme dans la pure tradition sénégalaise, ils ne sont point des cousins. Au contraire. Ils sont d’authentiques frères comme leurs pères parce que unis par le sang et par la naissance. Ayant été tous les deux formés à l’Ecole de Tivaouane, en des périodes différentes, leurs âmes, illuminées par le souffle prophétique du Tassawouf hérités de leurs pères, s’accommodent de valeurs morales universelles qui galvanisent et portent de l’avant.
Serigne Mbaye Sy Mansour est le fils de Sokhna Aminata Seck, la fille bénie de Doudou Seck Bou El Mogdad (1867-1943), grand dignitaire de Saint Louis qui est aussi le père de Sokhna Rokhaya Seck, mère de Serigne Moctar Mbacké ibn Cheikh Balla Thioro Mbacké. Les qualités morales de Bou El Mogdad étaient la générosité et la vérité en tout. D’ailleurs, Khaly Madiakhaté Kalla à qui il assurait l’hospitalité Saint-Louis lui a même dédié d’admirables poèmes en guise de remerciements pour sa gentillesse et d’éloges pour son attachement à la vérité. Doudou Seck Bou El Mogdad était, en effet, un grand homme de générosité et de vérité. Jamais, il ne mâchait pas ses mots, même devant la puissante autorité coloniale. Il entretenait avec les grands sages du Saint-Louis colonial, Madior Goumbou Cissé, Ahmed Diop Gora et Amadou Ndiaye Mabèye que Serigne Abdou Aziz Sy Dabakh cite souvent en guise de modèle, des relations si fortes que l’administration coloniale les craignait en raison de leur cohésion, de leur liberté, de leur force locale et de leur attachement à la justice et à la vérité.
Serigne Mbaye Sy Mansour étant le petit-fils de Doudou Seck Bou El Mogdad, il n’est donc guère étonnant qu’il ait aussi, en lui, ce caractère incorruptible d’homme de Dieu, de vertu et de vérité. C’est sa naissance et on ne peut rien contre la naissance, dit Victor Hugo.
Ces grandes qualités morales de Serigne Mbaye Sy Mansour héritées de la lignée parentale se retrouvent également en Serigne Maodo Sy Dabakh dont la mère, Sokhna Tabara Gaye, est connue pour son élégance, sa grandeur morale et son esprit d’ouverture.
Sokhna Tabara Gaye tant chantée par les prestidigitateurs de la parole fut surtout une épouse modèle. Elle fut, comme Sokhna Aminata Seck, mère de Serigne Mbaye Sy Mansour, un exemple achevé de femme de foi et probité. Durant toute sa vie, elle a été pudique et inextricable dans son attachement aux valeurs socioreligieuses qui fondent la femme. Ainsi, d’elle, Serigne Maodo Sy Dabakh a hérité la courtoisie et la sincérité, dit Hadji Mansour Mbaye.
Ce n’est donc pas un hasard s’il constitue avec son frère Serigne Mbaye Sy Mansour une sorte de duo dans la promotion des valeurs morales qui forge la personnalité du bon musulman. Pour Cheikh Oumar Sy Jamil, « Serigne Mbaye Sy Mansour et Serigne Maodo Sy Dabakh sont des Universités vivantes et des silon inépuisables de grandeur morale et de vertu. Ils sont des Ambassadeurs infatigables de la Tidjiania et des promoteurs inlassables de l’éthique islamique ».
Il apparaît alors qu’une des raisons principales de leur crédibilité et du respect unanime dont ils jouissent auprès des citoyens de toute obédience est qu’à une vision égoïste et épicurienne du monde figée dans des hiérarchies sociales fondées sur le sang, l’appartenance socio-familiale et le lobby confrérique, ils substituent une vision morale et religieuse du monde et de la société, instaurant la valeur islamique et la responsabilité citoyenne.
Ils auraient pu, tous les deux, avoir des instincts aristocratiques, étant des petits fils de Sokhna Safiétou Niang, cousine du Roi Alboury Ndiaye. Ils auraient également pu s’illustrer par un esprit dirigiste en raison de l’autorité morale dont ils jouissent. Mais, tout indique qu’ils ont préféré procéder à un sacrifice du Moi individuel et des égocentriques pour atteindre et faire atteindre le suprême Soi.
Serigne Mbaye Sy Mansour et Serigne Maodo Sy Dabakh se ressemblent ainsi sur beaucoup d’aspects. A la fois courtois et francs, cultivés et très policés dans leur comportement, ils partagent les mêmes valeurs et les mêmes principes surtout dans le cadre de la gouvernance politique, de gestion de la Cité et des rapports de citoyenneté. La défense de la Foi islamique est, chez eux, intrinsèquement adjointe celle de la République, de l’unité nationale, de la paix civile et de la citoyenneté. Dans leur perspective, Dieu est tout et en même temps au- dessus de tout, à la fois immanent et transcendant. C’est pourquoi, rien ne les impressionne et ne les ébranle. Rien. Leur conception de la vie est exclusivement liée à la loi du Saint-Livre. Pour l’un comme pour l’autre Dieu est en tout et partout. Il est à la fois l’extérieur et l’intérieur. « Dieu Seul est souverain » ne cesse de dire Serigne Maodo Sy Dabakh, et « devant Lui, nul n’est fort et tous sont périssables », renchérit toujours Serigne Mbaye Sy Mansour.
La similitude de leurs qualités est frappante. Mais elle n’impressionne guère ceux qui connaissent et comprennent la très forte personnalité de leur commune grand-mère, Sokhna Safiétou Niang, deuxième épouse de Hadji Malick Sy, celle en qui l’illustre mystique de Tivaouane saluait l’exemple achevé de la dévotion et de la générosité.
Sokhna Safiétou Niang est en effet la grand-mère, et de Serigne Mbaye Sy Mansour, et de Serigne Maodo Sy Dabakh. Elle est la fille de Sokhna Arame Bonkho qui hérita de son père Biram Khoudia Tam le sens de l’honneur, le culte de la vertu, la passion de la justice et le choix de la vérité. Elle n’hésitait pas à se dépouiller de ses biens et à se dégarnir de ses matériels dans l’unique but de satisfaire l’hôte de son époux ou le voisin.
Si, dans leur action de tous les jours et dans leurs dialogues permanents avec les citoyens musulmans, ils ne cessent de se conformer aux règles coraniques et morales dans le seul but, disent-ils toujours, d’éveiller en l’homme une conscience plus haute de des multiples relations avec Dieu, avec la société et avec le reste du monde.
C’est pourquoi ils sont et restent des références qui forgent la fierté du talibé tidianes parce que n’ayant jamais alimenté la controverse en raison de leur probité morale et de leur conformité aux règles morales qui font la grandeur d’un guide religieux. Ils sont, par conséquent, des greniers impressionnants de valeurs morales.