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Tirailleurs sénégalais : Au-delà de la reconnaissance du massacre…La France face à l’histoire. (Chronique)

La démarche d’Emmanuel Macron, qui reconnaît le massacre des tirailleurs sénégalais (africains), dans une lettre adressée au Président de la République Bassirou Diomaye Faye, est à saluer. 

S’il y a deux présidents français qui ont réussi à entrer dans l’histoire commune qui lie la France à l’Afrique dans ce chapitre sombre de notre passé, c’est bien François Hollande et Emmanuel Macron. Un pas important vers la manifestation de la vérité, après 80 ans de déni de l’événement tragique du 01 décembre 1944 au camp de Thiaroye.

Présent à Dakar, en 2014, à la commémoration de la journée des tirailleurs, François Hollande avait parlé « d’évènements (…) tout simplement épouvantables, insupportables », de « répression sanglante » contre des ‘’hommes qui portaient l’uniforme français’’ »

Il reconnaît ainsi que des balles françaises ont tué les tirailleurs. En revanche, sa promesse de remettre les archives des évènements de Thiaroye 44 a été partiellement tenue car il n’a remis qu’une partie des documents pour lesquels on se demande d’ailleurs s’il s’agit des vrais et/ou de la totalité des archives. 

MACRON FACE AU CONTEXTE ACTUEL 

A la différence de François Hollande dont le geste est magnifié par nombre d’universitaires, d’historiens, en particulier, qui travaillent sur la question, Emmanuel Macron a juste le mérite de reconnaître le massacre à travers une lettre adressée à Bassirou Diomaye Faye. Quoi de plus simple pour lui ? Au vu de l’ampleur des faits, des dégâts directs et collatéraux causés par cette tragédie ancrée dans notre conscience historique, ce n’est qu’une goutte d’eau dans la mer. 

C’est décidément une stratégie politique consistant à dire « je vous envoie mon ministre des affaires étrangères pour voir comment il sera accueilli au Sénégal au moment où un nouveau vent de souverainisme souffle partout dans le pays, au moment où une nouvelle formule des rapports entre la France et ses anciennes colonies émerge en Afrique, pour voir ensuite quelle sera la meilleure démarche à adopter ». 

Car, faut-il le rappeler, en juillet dernier, Emmanuel Macron a attribué la mention « Mort pour la France » à six (6) tirailleurs exécutés à Thiaroye. Et cela malgré l’ampleur du massacre, malgré les incertitudes et les doutes des Africains sur le nombre de morts officiellement déploré au lendemain de la tragédie. La version officielle enseignée dans les écoles et les universités fait état de 35 morts, 35 blessés et quelques arrestations. D’aucuns parlent aussi de 70 morts. Or, pour beaucoup d’historiens il y en aurait plus de 400. 

Rappelons également que la reconnaissance par Macron de six tirailleurs (6) sénégalais ‘’Morts pour la France’’, avait provoqué une vague d’indignations au Sénégal. Parmi elles, et pas des moindres, celle du premier ministre Ousmane Sonkoqui s’indigna en ces termes : « Ce n’est pas à la France de fixer unilatéralement le nombre d’Africains trahis et assassinés après avoir contribué à la sauver, ni le type et la portée de la reconnaissance et des réparations qu’ils méritent. » Le chef du gouvernement a aussi tenu à « rappeler à la France qu’elle ne pourra plus ni faire ni conter seule ce bout d’histoire tragique ».

Cette posture du désormais porte-drapeau du souverainisme au Sénégal du 21e siècle, en dit long si l’on sait que Macron prendra conscience de la nouvelle forme de relation que voudrait avoir les nouveaux dirigeants sénégalais et africains avec la France. 

UNE ABSENCE SUSPECTE ? 

L’absence d’Emmanuel Macron à la commémoration de la journée des tirailleurs peut être motivée par la nouvelle conscience des Sénégalais, des autorités étatiques pour une meilleure considération des rapports avec la France. Sous cet angle, son absence est suspecte car il semble refuser la réalité d’en face. 

Suite à l’invitation du chef de l’Etat, il est le seul habile à répondre aux préoccupations des descendants des tirailleurs. Il reconnaît certes le massacre, mais il doit aller plus loin. 

En acceptant de venir au Sénégal, Emmanuel Macron aurait l’occasion de clarifier la position de la France sur les réclamations des familles des victimes proposées à l’endroit de la représentation nationale française :

1. Une reconnaissance officielle du massacre par une résolution votée à l’Assemblée nationale

2. Des excuses formelles de la République de France 

3. Un procès de révision pour les Tirailleurs condamnés

4. Des réparations versées aux descendants des soldats victimes

5. Une journée nationale de commémoration du massacre du 1er décembre 1944 à l’agenda des cérémonies nationales

6. Un travail conjoint d’analyses et d’actions avec les pays africains concernés par cette histoire

7. Création d’une commission d’enquête parlementaire sur la tragédie de Thiaroye et ses conséquences.

Mouhamed SAMBE, journaliste.

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