Avant mon installation comme khalife général, la communauté Tidjane n’était pas bien structurée. Mais la Tidjaniya existait bien avant en Côte d’Ivoire chez les sénégalais, les maliens, les nigériens, les nigérians. Dès ma désignation comme khalife en mai 2000, nous avons commencé à structurer la Tidjaniya. Bien avant mon installation, les Tidjanes étaient isolés. Chaque Tidjane avec sa famille. Après mon installation, on a placé notre investiture sur la continuité parce que la Tidjaniya existait avant. Au départ, nous avons commencé à travailler avec les autres familles et on a mis en place des structures spécialisées. D’abord on a expliqué la Tidjaniya dans les médias et dans les conférences. Nous avons créé après des structures. La Tarikha Tidjaniya en Côte d’Ivoire est l’organe suprême nationale. Ensuite, les Jeunes musulmans tidjanes de Côte d’Ivoire, la Fondation Tidjane de Bienfaisance. Nous sommes en train de créer l’organisation de la femme Tidjane de Côte d’Ivoire. Avec toutes ces organisations, la Tidjaniya est bien structurée, le dynamisme a pris forme et la Tarikha marche aujourd’hui. Avant, les gens ne connaissaient pas la Tidjaniya. Ils pensaient que c’était une secte, que ce ne sont pas des musulmans. Aujourd’hui, tout le monde sait que la Tidjaniya est une école spirituelle islamique.
La Côte d’Ivoire est un pays multi confessionnel. Quels sont les rapports que vous entretenez avec les autres religions ?
Les rapports entre les autres confessions se passent bien. La Tidjaniya est à l’intérieur de l’islam et l’islam est avec le christianisme les deux plus grandes religions de Côte d’Ivoire. Entre les deux, tout marche bien, il n’y a aucun problème. En Côte d’Ivoire, il y a une association qui s’appelle le Forum des religions qui regroupe toutes les confessions et il n’y a aucun problème. De même qu’avec les autorités, les relations sont au beau fixe. La liberté de confession est réelle et chacun est libre de pratiquer sa religion. Il suffit de respecter les lois du pays et les autorités. La Tidjaniya se trouve dans l’organisation qui regroupe tous les musulmans de Côte d’Ivoire. Le Conseil supérieur des Imams de Côte d’Ivoire (Cosim). Le président de cette structure s’appelle Cheikh Aboubacar Fofana. Moi, je suis un de ses conseillers, je siège dans le bureau national du Cosim. Il y a toutes les tendances musulmanes dans le Cosim. Il y a aussi le Conseil national islamique de Côte d’Ivoire. C’est le CNI qui regroupe les musulmans de chaque région. Il y a aussi les structures qui regroupent les femmes, les jeunes, les cadres musulmans. Le Cosim reconnaît la Tidjaniya.
Les rapports se passent bien. C’est surtout dans les colloques qu’on se rencontre. Tous les pôles de la Tidjaniya se rencontrent dans ces colloques. Les khalifes généraux de la France, de l’Italie, de l’Amérique latine. La Tijaniya a couvre le monde entier. Il y a aujourd’hui 400 millions de Tidjanes dans le monde. C’est un chiffre officiel donné lors du dernier forum de Fez. En Côte d’Ivoire, nous voulons organiser un grand forum international sur la tarikha Tidjane. On veut inviter tous les pôles de la Tidjaniya de l’Afrique de l’Ouest. On va essayer d’échanger pour répandre la Tijaniya. On veut que la Côte d’Ivoire soit le tremplin de la Tidjaniya en Afrique occidentale.
Et vos rapports avec les pôles sénégalais de la Tidjaniya et la famille de Cheikh Ahmed Tidjane ?
On considère le Sénégal comme la capitale de la Tidjaniya en Afrique de l’Ouest. C’est à travers le Sénégal qu’on a bien connu et apprécié la Tidjaniya. En Côte d’Ivoire, nous avons de bons rapports avec toutes les familles tidjanes sénégalaises réparties en Côte d’Ivoire. La famille de Seydi Elhadji Malick Sy de Tivaouane représente pour nous une référence pour le rôle qu’elle a joué dans l’organisation de notre communauté. Il en est ainsi également de la famille de Cheikh Omar Foutiyou Tall, celle de Médina Gounass et des Niassène. Nous avons en projet de mettre en place un Conseil des Mukhadams en Afrique de l’Ouest. Nous avons déjà l’agrément de la Tidjaniya de Côte d’Ivoire. Ce conseil va regrouper tous les mukhadams qui veulent se reconnaître dans ce conseil. S’agissant des rapports avec la famille de Cheikh Ahmed Tidjane, ce sont eux nos maîtres. Sans Cheikh Ahmed Tidjane, il n’y aurait pas de Tidjaniya. J’ai été installé de façon officielle par cette famille. C’est pourquoi, j’ai de bonnes relations avec cette famille. Celle qui se trouve à Fez au Maroc, à Aïnou Mady en Algérie ou celle du Sénégal à Pikine. Je rends visite à toutes ces familles pour leur rendre compte du travail qu’elles m’ont confié en Côte d’Ivoire.
La communauté Tidjane a vécu cette crise comme tout le monde mais de façon spéciale. Nous l’avons vécue comme une épreuve de Dieu. Quand une épreuve de Dieu arrive, cela tombe sur tout le monde. Maintenant c’est aux Tidjanes de savoir s’y prendre, de savoir ce confier à Dieu et de faire un repentir sincère. Quand il y a une épreuve de ce genre, c’est que Dieu n’a pas apprécié certains comportements. Nous avons prié et demandé à Dieu de nous pardonner et de faire revenir la paix. C’est dans cet esprit que les Tidjanes ont vécu cette crise. Tous les jours, nous avions prié. Si j’avais les moyens, j’aurais demandé à tous les khalifes généraux de la Tijaniya de prier pour arrêter la crise. On va continuer de prier pour les élections à venir
La Côte d’Ivoire et le Sénégal entretiennent de bonnes relations. Quel peut-être l’apport de la Tidjaniya dans ces rapports ?
Ce que la Tidjaniya peut apporter dans ces relations, c’est de faire davantage qu’il ait de bonnes relations entre les deux pays. Il y a beaucoup de sénégalais en Côte d’Ivoire et des ivoiriens au Sénégal. En Afrique, chacun de ses fils doit pouvoir vivre dans n’importe quel pays. L’Afrique est une grande famille. C’est ainsi qu’on vit l’union africaine. Par exemple, j’ai quatre épouses. Une qui est d’origine malienne, une autre d’origine sénégalaise mais ivoirienne. Une autre d’origine guinéenne et l’autre ivoirienne. C’est cela l’intégration africaine.
Quel message lancez -vous aux Tidjanes sénégalais ?
La Tidjaniya est basée sur Dieu. Il faut que la base reste Dieu. Nous sommes Tidjanes parce que nous sommes musulmans. Il faut parfaire notre islam et devenir un homme de Dieu. Pour devenir un homme de Dieu, il faut se rapprocher de Dieu. C’est comme cela que nous serons un waliyoula. Pour le devenir, il faut être sincère, respecter la hiérarchie des Cheikhs. Il faut que les Tidjanes aiment tous musulmans et même les autres pratiquants des religions révélées. C’est à partir de cet amour que la Tidjaniya aura la place souhaitée par Cheikh Ahmed Tidjane.
Interview réalisé par Babacar Dramé et Oumar Ndiaye