On ne lui connaissait pas d’opposition systématique à l’islam de même qu’un fanatisme virulent pour le paganisme de Quraysh.
C’est pourquoi, lorsque la lumière de l’islam visita son coeur, elle y trouva des prédispositions favorables et s’y établit facilement.
Khâlid (RA) venait de rejeter définitivement les croyances païennes de ses ancêtres et d’opter pour l’islam, cette religion grandiose qui ne cessait de subjuguer les cœurs et les âmes malgré l’hostilité et les oppositions dont elle a fait l’objet de la part de ses détracteurs.
L’âme et le coeur de Khâlid(RA) étaient eux aussi subjugués par l’islam. Son intelligence ne pouvait que le mener vers cette religion. Le Messager de Dieu lui dira après sa conversion :
« Je savais que tu possédais une intelligence aiguë et j’ai souhaité qu’elle ne te mène que vers le bien. »
C’est avec deux autres dignitaires de Quraysh, ‘Uthmân Ibn Talha et ‘Amr Ibn AI-‘Âs, que Khâlid partit à Médine pour annoncer sa conversion à l’islam et prêter serment d’allégeance au Messager de Dieu .
C’était en l’an huit de l’Hégire. Une page venait de tourner dans la vie de notre illustre compagnon.
Une page qu’il voulait oublier au plus vite, à tel point qu’il dit à l’Envoyé de Dieu :
« Ô Messager de Dieu ! Invoque Dieu en ma faveur afin qu’il absolve mes péchés passés. »
Le Messager de Dieu lui répondit :
« Ô Khâlid ! L’islam efface tout ce qui précède comme mauvaises actions. »
Une nouvelle page glorieuse s’ouvrit dans la vie de Khâlid . Autant celui-ci a combattu l’islam et les musulmans, autant il en sera un des plus vaillants défenseurs et fers de lance.
Son épée qui avait fait tant de ravages parmi les musulmans ne sera plus dégainée que contre les ennemis de l’islam.
Le Messager de Dieu l’avait en grande estime pour son courage et aussi pour la sincérité de sa foi. Il fut parmi ceux qu’ il choisit pour l’ accompagner durant son pèlerinage d’adieu. Il fut aussi parmi ceux qui participèrent à la conquête de la Mecque.
À Mu’ ata, où les musulmans en petit nombre affrontèrent une armée byzantine forte de deux cent mille soldats, notre illustre compagnon se distingua particulièrement en permettant, grâce à son génie à l’armée musulmane de se retirer sans encombres, après avoir donné une véritable leçon à l’armée d’ Héraclius.
Pourtant, notre héros n’était pas un chef de l’armée musulmane ce jour-là. Il n’était qu’un simple soldat sous les ordres de trois illustres compagnons : Zayd Ibn Hérita, Ja’far Ibn Abî Tâlib et ‘Abdallah Ibn Raucha .
Après la mort héroïque de ces trois chefs, une sorte de flottement s’installa dans le camp musulman. L’absence de chef désorienta quelque peu les musulmans qui n’avaient plus de stratégie devant un ennemi cinquante fois plus nombreux.
C’est alors que Thâbit Ibn Argam accourut à la mort du dernier chef, ‘Abdallah Ibn Rawgia , et prit l’étendard en le relevant très haut dans le ciel afin que la cohésion reste intacte au sein de l’armée musulmane.
Thâbit alla directement vers Khâlid Ibn AI-Walîd et lui remit l’étendard en lui disant : « Prend l’étendard, ô Abû Sulayman ! C’est toi le chef maintenant. » Notre illustre compagnon fraîchement converti, ne pouvait accepter de diriger une armée composée des plus anciens compagnons du Prophète .
Il répondit à Thâbit : « Non, je n’ai pas le droit de le porter. C’est à toi de le porter, tu en as plus de droit que moi. Tu es plus âgé et tu étais présent à Badr. »
Thâbit répliqua : « Prends-le ô Khâlid, car tu es plus porté que moi sur l’art et la stratégie militaires. Par Dieu, je ne l’ai pris que pour te le remettre. »
Il héla ensuite les musulmans et leur dit : « Ô musulmans ! Acceptez-vous le commandement de Khâlid ? » Un « oui » unanime lui parvint du champ de bataille.
Et c’est ainsi que notre glorieux Khâlid prit le commandement de l’armée musulmane et réussit, grâce à son génie et à son intelligence, à changer la défaite imminente en victoire. C’est à la suite de cette bataille qu’il mérita le titre « d’épée de Dieu. »
`Abdallah Ibn Rawâha qui prit à son tour l’étendard et le commandement tomba lui aussi en martyr. C’est alors qu’une épée parmi les épées de Dieu prit l’étendard et mena les musulmans à la victoire par la grâce de Dieu. »
Ce surnom « l’épée de Dieu » passera à la postérité et c’est ainsi que Khâlid sera désigné par les musulmans de tous les temps.
Après la mort du Messager de Dieu notre illustre compagnon mit son génie et son art militaire au service des califes bien guidés. C’est ainsi qu’Abû Bakr lui confia le commandement des armées musulmanes qui allèrent affronter les tribus arabes en rébellion contre l’État central de Médine et qui refusaient de payer la zakât, l’impôt légal, au Calife. Abû Bakr dirigea les armées musulmanes lui-même durant les premières batailles, mais sur insistance des compagnons , il céda le commandement à plusieurs généraux dont Khâlid Ibn Al-Walîd.
Notre glorieux compagnon fut chargé de mater la tribu la plus dangereuse et la plus extrémiste dans son hérésie : celle des Banû Hanifa, que dirigeait Musaylima l’imposteur. Dès qu’il reçut les ordres du Calife, Khâlid se mit en marche avec son armée vers la région d’Al-Yamâma où Musaylima avait regroupé ses troupes. La bataille qui eut lieu fut décisive pour les deux parties.
L’avantage commença par être en faveur des hommes de Musaylima plus nombreux que les musulmans. De nombreux compagnons – des plus illustres – trouvèrent la mort dans les combats acharnés. La défaite semblait inéluctable pour les musulmans, lorsque Khâlid , par une de ses astuces dont il avait le secret, réussit à renverser la vapeur et à donner à la bataille un nouveau tournant, et par conséquent, l’avantage aux musulmans.
La stratégie de notre héros s’avéra payante puisqu’elle permit aux musulmans d’écraser leurs ennemis qui laissèrent des milliers de morts sur le champ de bataille. Khâlid donnait lui-même l’exemple luttant avec acharnement tout en haranguant ses hommes.
« Surpassez-vous pour que nous puissions voir aujourd’hui les épreuves de chaque vivant ! »
Il lançait de temps à autre des clameurs stimulatrices : « Dieu est grand » ou encore « Il n’y a d’autre dieu que Dieu » qui enflammaient l’enthousiasme des musulmans.
À fin de la bataille acharnée, Musaylima et des milliers de ses partisans gisaient morts sur le sol.
Les musulmans déploraient aussi quelque six cents martyrs parmi les meilleurs d’entre eux. Mais la victoire fut de leur côté, grâce à leur foi et à leur combativité et grâce au génie et à la stratégie de leur chef, Khâlid Ibn AI-Walîd , l’épée de Dieu.
Les révoltes des tribus liquidées, Abû Bakr se tourna vers les deux plus redoutables ennemis extérieurs de l’islam : les Byzantins et les Perses. Et c’est encore à l’illustre Khâlid que le Calife fera appel pour accomplir cette mission. Il lui donna des instruction pour se mettre en marche immédiatement vers l’Irak, siège de l’empire perse où il devait faire jonction avec un autre Général musulman qui devait entrer par le nord de l’Irak.
Or, non seulement le chef suprême des armées perses, le dénommé Hormoz, refusa l’appel de Khâlid , mais bien plus, il prit les armes, et pour empêcher ses soldats de s’enfuir, les enchaîna les uns aux autres.
Ce fut la fameuse bataille des « chaînes » (dhât as-salâsîl).
Après des combats acharnés et une lutte sans merci, l’armée musulmane infligea aux perses unes défaite mémorable. Hormoz et des milliers de soldats perses moururent ce jour-là. Et les victoires se succédèrent les unes après les autres. AI-Midhâr, AI-Walja, Ulayyas, Ubulla, Hîra, etc… témoigneront pour toujours de la mémorable épopée de Khâlid et de ses hommes sillonnant monts et vallées pour apporter aux peuples subissant le joug des tyrans, la liberté et la dignité.
Après la chute de l’empire corrompu des Sassanides et la propagation rapide de l’islam parmi les Perses, notre illustre stratège fut chargé par le Calife Abû Bakr d’aller rejoindre les armées musulmanes en campagne en Syrie. Celui-ci envoya en même temps un message à `Ubayda Ibn Al-Jarrâh , l’un des commandants des armées musulmanes en Syrie où il lui dit en substance :
« J’ai envoyé Khâlid pour diriger la lutte en Syrie à ta place. Suis ses avis, et obéis-lui.
Si je lui confie le commandement, c’est que je l’en juge digne. »
Khâlid partit sur le champ rejoindre et renforcer les armées musulmanes déjà présentes en Syrie. Quant aux armées byzantines, elles s’étaient rassemblées en grand nombre sous le commandement de Théodoros Sakarios, le propre frère de l’empereur Héraclius".
Lorsque Khâlid arriva au bord du Yarmûk, un cours d’eau qui se jette dans le Jourdain, l’armée musulmane était alors divisée en trois corps qui obéissaient à trois chefs. Il n’y avait donc pas de commandement unique et, par conséquent, pas de cohésion.
Cette lacune ne passa pas inaperçue pour notre illustre stratège. Or, celui-ci n’avait pas été envoyé en tant que commandant en chef pour qu’il puisse unifier ces corps disparates. Il fera pourtant ce qu’il convenait de faire pour remédier à cette situation. Et c’est là qu’apparaîtra dans toute sa splendeur le génie de cet homme exceptionnel.
Sans perdre de temps, il réunit les trois chefs musulmans Abû ‘Ubayda Ibn Al-Jarrâh, ‘Amr Ibn As et Yazîd , et leur dit : « Vous allez affronter en rangs dispersés un ennemi supérieur à vous en nombre et qui plus est bien organisé et obéissant à un commandement unique. Il sera difficile pour vous de le vaincre avec ces atouts à leur avantage. »
Les généraux musulmans lui demandèrent : « Que faut-il faire à ton avis ? » Il répondit : « Moi, je vois que nous devons placer nos troupes sous le commandement d’un seul chef. Chacun de nous commandera à tour de rôle un jour ! Si vous ne voyez pas d’inconvénient, je demande à être le premier à assumer cette responsabilité. »
Ils acceptèrent tous cette proposition. Tout de suite après, Khâlid , promu commandant en chef, procéda à la mise en place de sa stratégie. C’est ainsi qu’il adopta une tactique inconnue jusque-là pour les Arabes. Celle-ci consistait en la division de l’armée en plusieurs régiments obéissant chacun à un chef éprouvé, et muni d’instructions précises, mais avec un commandement unique. Notre illustre stratège prit, quant à lui, la tête de la cavalerie, corps où il excellait le mieux.
Après la première charge des forces byzantines plus nombreuses et mieux équipées, les armées musulmanes reculèrent, ce qui eut pour effet de désarticuler leurs lignes de défense. L’ennemi profita de cette aubaine et perça le front musulman. Le risque d’une défaite imminente était probable. Khâlid , pressentant le danger, lança un appel : « Qui accepte de mourir pour l’islam ? »
Ce fut le régiment de ‘Arrima Ibn Abî Jahl qui répondit le premier à cet appel : quatre cents cavaliers jurèrent tous d’affronter la mort. Et c’est ainsi qu’ils s’élancèrent tous comme un seul homme, l’épée à la main, sur leurs ennemis.
Les autres régiments, galvanisés par cet exemple, s’élancèrent à leur tour contre les rangs ennemis avec un zèle et un enthousiasme qui surprirent les Byzantins. Ceux-ci reçurent le choc impétueux des musulmans et reculèrent à leur tour, ce dont profitèrent ces derniers pour enfoncer leurs défenses.
C’est alors que Khâlid , jugeant le moment propice, ordonna une offensive générale. Les hauts faits d’armes qui suivront, feront de cette bataille l’une des plus mémorables. Les forces byzantines se ressaisirent et se mirent à se battre avec acharnement. Mais notre illustre stratège, Khâlid qui avait plus d’une astuce dans son sac, veillait au grain et observait la moindre faille dans les rangs ennemis.
Pour le moment, il était au milieu de ses soldats, l’épée à la main, en se battant avec eux. Tout à coup, un ordre claqua comme le vent au milieu du fracas des armes : « Ouvrez les rangs. »
L’ordre venait de « l’épée de Dieu », Khâlid , et faisait partie de sa stratégie…
Les musulmans, qui étaient au courant de cette stratégie, se partagèrent aussitôt en deux, laissant un large passage au milieu du champ de bataille.
Les soldats byzantins se précipitèrent instinctivement dans le piège qui se referma sur eux, ne leur laissant que le choix de se battre ou de mourir.
Cette astuce s’avéra payante puisque les centaines voire les milliers de soldats qui tombèrent dans le piège furent transpercés par les musulmans qui ne leur laissèrent aucune issue.
La déroute s’empara dès lors des armées byzantines qui se disloquèrent sous les coups fulgurants des soldats musulmans mus par un enthousiasme sans pareil.
Et c’est ainsi que la mémorable bataille d’ Al-Yarmûk permit aux musulmans de porter un rude coup à l’empire byzantin et de libérer les territoires qu’il occupait jusqu’en Palestine et en Syrie.
Et pourtant, ô stupeur, un message express envoyé par `Umar Ibn Al-Khattâb qui avait remplacé Abû Bakr décédé récemment , ordonnait à Abû ‘Ubayda de destituer Khâlid de son poste de commandement et de prendre sa place. En bon soldat discipliné, notre illustre compagnon accepta cette mesure sans rechigner. Il se désista dignement au profit d’Abû Ubayda qui lui confia à son tour le commandement d’un corps de troupe. Il s’illustra vaillamment dans les différents combats que mènera l’armée musulmane sous la direction d’Abû Ubayda .
C’est ainsi qu’il participa à la conquête de Damas en escaladant lui-même les murailles de la ville assiégée.
Plus tard, ‘Umar avouera n’avoir destitué Khâlid ni par humeur, ni pour malhonnêteté. Il craignait, disait-il, que sa grande gloire lui fasse tourner la tête et n’entraîne les gens à l’induire en erreur. Le Calife n’avait aucune inimitié personnelle contre Khâlid . Lors de leur dernière rencontre, il lui avait dit : « Quittons-nous en bons amis ; je n’ai plus rien à te réclamer. Je t’accorde mon amitié et mon estime. »
Il faut dire que la nature impulsive et fougueuse de notre glorieux compagnon n’était pas pour rassurer le Calife.
Déjà, du vivant du Messager de Dieu il avait commis une grave erreur par son zèle à réprimer une tribu un peu trop récalcitrante à ses yeux. Pourtant, en lui confiant cette mission, l’Envoyé de Dieu lui avait dit :
« Ô Khâlid Je t’envoie pour leur prêcher l’islam, non pour les combattre. »
Mais la fougue et le zèle de Khâlid l’amenèrent à commettre l’irréparable.
En apprenant ce qu’il avait fait, le Messager de Dieu entra dans une grande colère et s’exclama :
« Mon Dieu, je désavoue cet acte commis par Khâlid . »
Il fit payer ensuite le prix du sang aux familles des victimes.
Chargé de gloire, notre illustre compagnon se retira à Hies où une maladie le cloua au lit. Il avait alors un peu plus de quarante ans.
Plus d’une centaine de combats, le corps tailladé de blessures et il était resté toujours vivant. Mais voilà qu’une maladie bénigne, mal soignée, allait venir à bout de sa jeunesse et de sa fougue. Il dira lui-même :
« J’ai participé à maints combats, mon corps est sillonné de coups d’épée ou de lance,
et voilà que je meurs dans mon lit comme meurt un chameau.
Que les yeux des lâches soient privés de sommeil ! »
Notre illustre compagnon rendra l’âme en l’an dix-huit del’ Hégire après une vie courte mais si riche en exploits et en faits glorieux. Le Calife ‘Umar le pleura abondamment et lui fit rendre un hommage à la mesure de ses mérites.
On rapporte qu’il dira à son sujet :
« Les femmes ne sont plus capables d’enfanter un autre Khâlid … »