Partie 3 et fin : L’Oeuvre de L’Imam Malick, triste fin d’une vie Exemplaire
Certains de ses maîtres parmi les Successeurs rapportèrent des hadîths de lui. C’est le cas notamment d’Az-Zuhrî, Ayyûb As-Sikhtiyânî, Abû Al-Aswad, Rabî`ah Ibn Abî `Abd Ar-Rahmân, Yahyâ Ibn Sa`îd Al-Ansârî, Mûsâ Ibn `Uqbah et Hishâm Ibn `Urwah.
Certains de ses pairs rapportèrent aussi le hadîth de lui, comme Sufyân Ath-Thawrî, Al-Layth Ibn Sa`d, Sufyân Ibn `Uyaynah, Abû Hanîfah, Abû Yûsuf et de nombreux autres.
Parmi ses élèves citons enfin, le disciple de l’Imâm Abû Hanîfah, Muhammad Ibn Al-Hasan Ash-Shaybânî, et lImâm Ash-Shâfi`î.
L’épreuve de la prison
L’Imâm Mâlik vécut sous le Califat des Omeyyades, puis celui des Abbassides. Les historiens rapportent qu’il fut flagellé, châtié et humilié sous le Califat de Abû Ja`far Al-Mansûr, et avancent pour cela différentes raisons.
Selon une opinion, l’Imâm Mâlik enseignait un hadîth établissant qu’un serment prêté sous la contrainte est nul. Al-Mansûr n’aimait pas que ce hadîth soit diffusé, de peur que ses adversaires en profitent pour se débarasser de l’allégeance forcée qu’ils lui avaient prêtée. Il aurait ordonné à l’Imâm Mâlik de ne pas enseigner ce hadîth et le refus de Mâlik aurait entraîné le châtiment qu’il a subi.
Selon une autre opinion, similaire à la précédente, des gens auraient demandé à l’Imâm Mâlik s’il était licite de s’allier à Muhammad Ibn Abî `Abd Allâh Al-Hasan pour se révolter contre les Abbassides, malgré l’allégeance qu’ils avaient prêtée à Abû Ja`far Al-Mansûr… On rapporte qu’il expliqua que cette allégeance fut scellée de façon forcée et que celle-ci était, par conséquent, non avenue. Il leur aurait même recommandé de s’empresser de soutenir Muhammad Ibn Abî `Abd Allâh Al-Hasan… La nouvelle serait parvenue à Al-Mansûr qui fit venir Mâlik, en 147 A.H., et lui infligea l’épreuve du fouet au point que son épaule se déboita.
Selon une autre opinion encore, la raison de cette humiliation, c’est que Mâlik avait donné la prééminence à notre maître `Othmân Ibn `Affân par rapport à notre maître `Alî Ibn Abî Tâlib, que Dieu les agrée tous deux.
Mais l’opinion la plus connue et la plus correcte à ce sujet, c’est que l’Imâm Mâlik enseignait le hadîth établissant que le serment prêté sous la contrainte est nul. Mais il parvint à Ja`far, gouverneur de Médine et cousin du Calife Al-Mansûr, que l’Imâm Mâlik annulait l’allégeance qu’ils reçurent des gens. Certains proches de Ja`far lui recommandèrent d’agir avec prudence car l’Imâm Mâlik jouissait d’un rang élevé auprès du Calife. Ja`far envoya des gens demander à l’Imâm le jugement légal relatif au serment forcé, puis les prit pour témoins, fit venir Mâlik et ordonna qu’il reçoive soixante-dix coups de fouet. La nouvelle se propagea à Médine comme le feu dans la paille et bientôt la ville allait entrer en ébullition sous la colère des Médinois indignés.
L’incident parvint rapidement au Calife, qui exprima à son tour son indignation et affirma ne pas être au courant de cela. Il démit son cousin de son poste de gouverneur et le fit venir de Médine à Bagdad à dos de chameau. En outre, il demanda à l’Imâm Mâlik de bien vouloir venir à Bagdad, mais le juriste de Médine déclina cette demande. Le Calife envoya alors une lettre à Mâlik l’informant qu’il souhaiterait le voir à la prochaine saison de pélerinage. L’Imâm rencontra ainsi le Calife à Minâ. Al-Mansûr le voyant quitta l’endroit où il était assis, s’installa sur un tapis par terre et ne cessa de demander à l’Imâm de s’approcher de lui, jusqu’au point où leurs genoux se touchèrent, pour ainsi manifester son affection pour le juriste médinois. Puis le Calife jura qu’il n’avait guère ordonné ce qui fut, qu’il n’était même pas au courant, et raconta son énorme indignation quand cette fâcheuse nouvelle agressa son ouïe. Il s’excusa auprès de l’Imâm Mâlik et l’informa qu’il avait ordonné que Ja`far soit châtié et humilié. Mais l’Imâm Mâlik loua Dieu, salua son Prophète et dit au Calife qu’il pardonnait à Ja`far pour son lien de parenté avec le Prophète et son lien de parenté avec le Calife.
Puis la conversation se prolongea entre les deux hommes et le Calife aborda les récits des prédécesseurs et des savants, les sujets consensuels en matière de jurisprudence, et les questions qui font l’objet de divergences entre les juristes, au point que l’Imâm Mâlik attesta de sa culture et de son intelligence.
A cette occasion, le Calife demanda à l’Imâm Mâlik de rédiger un ouvrage, adoptant une voie médiane et consignant ce qui fit l’unanimité des Compagnons et des Imâms parmi les savants. Il promit à l’Imâm Mâlik de diffuser cet écrit dans les pays musulmans afin que les gens s’y tiennent.
Les ouvrages de l’Imâm Mâlik
Le plus célèbre ouvrage composé par l’Imâm de Médine, c’est Al-Muwatta’. Il s’agit d’un ouvrage compilant des éléments de la Sunnah purifiée, ainsi que certaines opinions juridiques émises par les nobles Compagnons, les Successeurs et autres savants parmi les pieux prédécesseurs.
On lui attribue quelques autres ouvrages et épîtres comme :
Tafsîr Gharîb Al-Qur’ân Al-Karîm (Interprétation des singularités du Noble Coran).
Kitâb As-Surûr (Le livre de la félicité).
Une épître traitant de la Fatwâ, une autre traitant d’astrologie, et une troisième apportant une réplique aux Qadariyyah (adhérant à la doctrine de la prédestination et du fatalisme).
L’érudit, l’Imâm Jalâl Ad-Dîn As-Suyûtî cita ces ouvrages et quelques autres dans Tazyîn Al-Mamâlik (L’ornement des royaumes). Toutefois, des doutes subsistent quant à l’authenticité de leur attribution à Mâlik.
Mais le livre le plus précieux que ce juriste laissa à la postérité, c’est Al-Muwatta’. L »attribution de ce livre à son auteur relève de la certitude. On relate que l’apparition de nombreuses sectes et la propagation de leurs croyances poussèrent l’Imâm Mâlik à consigner la science qui lui était parvenue, avant qu’elle ne s’évanouisse de génération en génération ou qu’elle ne soit négligée ou oubliée. On rapporte aussi que ce livre fut rédigé à la demande du Calife Abbasside, Abû Ja`far Al-Mansûr. Le Calife voulait que Mâlik rédige un livre accessible où il adopterait une voie médiane et aisée, entre la rigueur outrancière et la souplesse excessive, dans les positions juridiques adoptées. Cela aurait motivé le titre même de l’ouvrage Al-Muwatta’…
Mâlik rédigea cet ouvrage pendant plus de dix ans et ne cessa de le mettre à jour et de l’enrichir pendant près de quarante ans. Hârûn Ar-Rashîd lui proposa de l’accrocher à la Ka`bah, à la Mecque Honorée, pour témoigner de ses vertus et pousser les gens à s’y conformer. Mais l’Imâm Mâlik déclina cette offre et justifia son refus en ces termes : "Ô Emir des Croyants, quantà accrocher Al-Muwattâ’ à la Ka`bah, [je ne le souhaite pas], car les Compagnons du Messager de Dieu – paix et bénédictions de Dieu sur lui – divergèrent dans les jugements dérivés et se dispèrent dans les pays, et chacun estime avoir raison."
C’est ce respect des divergences argumentées et solides en matière de jurisprudence qui poussa l’Imâm Mâlik à se comporter ainsi. Plus encore, Mâlik vit en ces divergences, basées sur des preuves tangibles, une miséricorde pour les serviteurs de Dieu : "Ô Emir des Croyants, la divergence entre les savants est une miséricorde de Dieu envers cette communauté", dit-il.
Il convient de noter que cet ouvrage n’est pas un reccueil de Hadîth au sens classique du terme. Il s’agit d’un ouvrage de Fiqh où l’Imâm Mâlik souhaita exposer les opinions qui relèvent du consensus dans la jurisprudence médinoise, s’appuyant sur des preuves issues de la Sunnah considérée et appliquée à Médine. C’est dans cette perspective qu’il déclina les questions juridiques.
On rapporte que l’Imâm Ash-Shâfi`î dit : "Il n’y a sur terre de livre de science (islamique) plus correct que le Muwatta’ de Mâlik." L’Imâm An-Nawawî cita cette parole et nota que "Cette opinion d’Ash-Shâfi`î est préalable à la rédaction des deux Sahîh d’Al-Bukhârî et de Muslim."
Quelques ouvrages célèbres de l’école malékite
Nous citons ci-dessous quelques ouvrages et références de l’école malékite :
* Mukhtasar Khalîl de Khalîl Ibn Ishâq Ibn Mûsâ.
* Bidâyat Al-Mujtahid wa Nihâyat Al-Muqtasid de Abû Al-Walîd Ahmad Ibn Muhammad Ibn Rushd (Al-Hafîd).
* Minah Al-Qadîr `alâ Mukhtasar Khalîl de Muhammad Ibn Ahmad Ibn `Arafah Ad-Desûqî.
* TuhfatAl-Hukkâm de Abû Bakr Muhammad Al-Gharnâtî.
* Al-Furûq de Ahmad Ibn Idrîs Al-Qarâfî.
* Tabsirat Al-Hukkâm de Muhammad Ibn Farhûn Al-Ya`murî.
* Az-Zurqânî `alâ Al-Muwattâ’ de Muhammad Ibn `Abd Al-Bâqî Az-Zurqânî.
* Mawâhib Al-Jalîl fî Sharh Mukhtasar Khalîl de Al-Hattâb Al-Maghribî.
* At-Tâj wa Al-Iklîl li Mukhtasar Ash-Sheikh Khalîl de Muhammad Al-Gharnâtî.
* Al-Musawwâ min Ahâdîth Al-Muwatta’ de Waliyy Ed-Dîn Ad-Dahlâwî.
Décès de l’Imâm
L’Imâm Mâlik tomba malade pendant vingt-deux jours. La nuit de son décès, Abû Bakr Ibn Sulaymân As-Sawwâf vint dans une assemblée lui rendre visite et s’enquérir de son état de santé : "Comment te sens-tu aujourd’hui ?", demanda-t-il au juriste de Médine. Mâlik répondit : "Je ne sais quoi vous dire. Demain, vous verrez du Pardon de Dieu ce que vous naviez pas prévu." Peu de temps après, l’Imâm Mâlik rendit son âme bénie.
Il décéda à Médine le 14 Rabî` Al-Awwal 179 A.H., selon l’opinion la plus correcte, et fut enterré au cimetière dAl-Baqî`. Puisse Dieu l’agréer et nous faire profiter de sa science dans les deux demeures.
Cette présentation s’appuie sur le 6e volume de Yas’alûnaka fi Ad-Dîni wa Al-Hayâh de Sheikh Ahmad Ash-Sharabâsî. Certaines considérations juridiques s’appuient sur `Ilm Usûl Al-Fiqh de Sheikh `Abd l-Wahhâb Khallâf.
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