Dieu dit dans le Coran: « Ô vous qui croyez ! Craignez Allah et soyez avec les véridiques »[2]. Et Il dit : « Le Miséricordieux, interroge donc quelqu’un de bien informé sur Lui (expert) »[3]. Et dans un autre verset, Dieu (exalté soit-Il) dit: « Les amis les plus intimes sont ce jour-là ennemis les uns des autres sauf les gens pieux »[4].
Abû Hurayra, qu’Allah l’agrée, rapporte: le prophète que la paix et la bénédiction de Dieu soient sur lui a dit: « l’homme suit la religion de son compagnon intime, que chacun de vous fasse attention à celui qu’il prend pour ami »[5].
Abû Mûsâ (que Dieu l’agrée) a rapporté que le Prophète (paix et salut sur lui) a dit : « Le compagnon vertueux et le compagnon malfaisant sont respectivement comparables au vendeur du musc et au forgeron. Le vendeur du musc t’en donne ou t’en vend ou encore il émane de sa personne une odeur agréable, tandis que le forgeron risque de brûler tes habits ou il répand une odeur nauséabonde »[6].
Ibn ‘Abbâs, que Dieu les agrée tous les deux (Ibn ‘Abbâs et son père), rapporte : « Quelqu’un demanda : « Ô Prophète, quelle est la meilleure personne auprès de laquelle on s’assoit ? » Il dit : « Celui dont la vue vous rappelle Dieu, dont les paroles ajoutent à votre science et dont les actes vous rappellent l’au-delà. » »
Abû Sa‘îd rapporte que le prophète (paix et salut sur lui) dit : « Il y a parmi ma communauté ceux qui intercèdent en faveur de troupes de gens (Al-fiâm), ceux qui intercèdent en faveur d’une tribu, ceux qui intercèdent en faveur d’un groupe et ceux qui intercèdent en faveur d’une personne, jusqu’à ce qu’ils rentrent au Paradis »[7]
La relation entre le maître et le disciple et entre les disciples, est une relation de respect et d’amour en Dieu.
Abû Hurayra rapporte que le prophète (paix et salut sur lui) dit : « Dieu dit au jour de la résurrection : Où sont ceux qui s’aiment en Moi (en Ma majesté), Je les mets sous Mon ombre, ce jour où il n’y a pas d’ombre si ce n’est Mon ombre »[8].
Le compagnonnage est un pilier important pour tous les musulmans qui cherchent à améliorer leur religion, leur caractère et leur comportement. Car, le compagnonnage apporte d’innombrables bienfaits et c’est pour cela que de tous temps, le compagnonnage a été et est resté le pilier principal pour toute personne sincère qui cherche à cheminer sur la voie de Dieu.
Ibn ‘Atâ Allah Al-Iskandarî (d’Alexandrie) a dit dans ses sagesses (Hikam): « Gloire à Celui qui ne guide certains aspirants vers Ses amis (c’est-à-dire les Saints de Dieu), que parce que ceux-ci sont les guides vers Lui, et qui ne fait parvenir jusqu’à eux que ceux qu’Il veut faire arriver jusqu’à Lui. »
Il a dit aussi : « Ne prends pas pour compagnon celui dont l ‘état ne te stimule pas et dont les paroles ne te montrent pas la voie de Dieu. »
La stimulation de l’état se produit quand le disciple se rattache à Dieu en se détachant des créatures et de toutes les envies passionnelles. Grâce au compagnonnage, l’état du disciple est encouragé à s’orienter vers Dieu.
Peu à peu, il devient conscient de la puissance de Son Seigneur, il ne compte que sur Lui dans ses demandes, il se rende compte de l’incapacité des créatures à l’atteindre. Ainsi, le disciple se met à agir conformément à la Loi divine d’une manière complète et équilibrée. C’est là la caractéristique des Gens de l’Unité (muwahidîn) et des Connaissants (‘ârifîn).
Le disciple sincère ne cherche pas à percer les mystères qui lui sont voilés mais il cherche la compagnie du maître qui lui indique les défauts qui lui sont cachés. Ainsi, il s’occupe de ses défauts et non pas des défauts des autres et des jugements inutiles.
La nature de l’âme humaine est de s ‘imprégner de celui qu’elle prend pour modèle. Si le modèle est bon, l’âme tend à être bonne. Tout le secret du compagnonnage est là. Le disciple, grâce à la présence d’un Maître Spirituel véridique, se pare des qualités de son Maître, comme la sincérité de l’orientation vers Dieu, le bon caractère envers Dieu et Ses créatures, l’amour de Dieu et de son Prophète -sur lui la paix et le salut- et la miséricorde envers toutes les créatures.
A l’inverse, la fréquentation de ceux qui ne possèdent pas une sincérité du cœur exemplaire, qui sont encore marqués par des vices apparents et/ou cachés, ne peut apporter à celui qui les accompagne que l’acquisition et la persistance des mêmes souillures.
Certains soufis ont écrit : « Ne prends pour compagnon que celui chez qui l’estime qu’il a pour toi n’augmente pas en fonction des biens que tu possèdes, et chez qui l’estime qu’il a pour toi ne baisse pas à cause du mal que tu fais. Tout cela est pour toi ou contre toi, et tu es pour lui toujours le même. »
D’autres ont dit : « Soit avec les gens de ce monde avec le respect, soit avec les savants de l’au-delà avec la science, et soit avec les Connaissants de Dieu comme bon il te semble. »
C’est-à-dire, en usant de tout ce qui te semble bon à leur égard, en leur témoignant tout le bien et tout le respect qu’il t’est possible de leur donner.
‘Ali -que Dieu l’agrée- a dit aussi : « Le pire des compagnons est celui qui te fatigue à la besogne. »
Pour les gens de Dieu, le meilleur compagnon est celui qui t’indique l’œuvre qui va te purifier des vices de ton âme et te rappeler Dieu, et non le moyen de te fatiguer inutilement.
Tel est le rôle du Maître spirituel qui conseille des pratiques qui sont d’un bénéfice immense. Car de part le secret de l’autorisation (Idhn[9]) (sa pédagogie spirituelle) qu’il possède de Dieu, il indique les raccourcis vers la présence divine et vers l’anéantissement de l’âme charnelle au profit de l’âme apaisée et pacifiée.
Les Soufis sont les dépositaires des vérités divines et des connaissances que nuls autres n’ont égalés. Grâce à leur compagnie, se réalise le profit de celui qui se joint à eux.
Une analogie peut être faite avec le marchand de parfum. Lorsque le passant s’arrête à son magasin, il est forcément touché par les bonnes odeurs et il garde cette senteur sur lui, même après son départ. La compagnie des gens de Dieu parfume le disciple et le pare de toute la noblesse, la beauté d’un cœur qui rayonne, ainsi il se débarrasse -petit à petit et au fur et à mesure de cette compagnie- des vices et des passions. Cette compagnie et cette proximité transforment le cœur et le comportement plus profondément encore que la prière ou le jeûne surérogatoires.
Sidi Abû Al ‘Abbâs Al Mursî – que Dieu l’agrée – s’est exclamé : « Que faire de l’alchimie ! Par Dieu, j’ai été en présence d’hommes qui, quand ils passent devant un arbre asséché et qu’ils le désignent du doigt, l’arbre reprend vie et a tôt fait de donner des fruits. »
Il affirma aussi : « Par Dieu ! Il suffit qu’il n’y ait entre moi et un homme qu’un regard pour que je l’enrichisse. »
Son Maître, Sidi Abû Al Hassan Ash-Shâdhilî – que Dieu l’agrée – a dit : « Abû Al ‘Abbâs, c’est l’homme parfait. Par Dieu, il lui vient un bédouin qui urine encore sur ses jambes et, quand le soir arrive, il l’a déjà fait parvenir jusqu’à Dieu. »
Autres paroles des Saints sur la compagnie du Maître spirituel :
Sidi Ibn ‘Abbâd de Ronda a écrit dans ses explications des Sagesses de Ibn ‘Ata Allah Al-Iskandari –que Dieu les agrée tous deux – : « Il est indispensable pour le disciple, dans cette voie, d’accompagner un Maître spirituel accompli qui le guide, qui a achevé l’éducation de sa propre âme et qui s’est débarrassé de ses passions. Qu’il abandonne son âme à lui et qu’il s’astreigne à accomplir ce qu’il demande et qu’il se dirige vers lui sans doute, ni interprétation, ni hésitation. Les soufis ont dit : "Celui qui n’a pas de Maître, Satan est son Maître." »
Abû ‘Ali Al-thaqafî – que Dieu l’agrée – a dit : « Même si un homme se met à rassembler toutes les sciences et à côtoyer toutes les catégories de gens, il n’atteindra ce qu’ont atteint les Hommes de Dieu que par l’exercice spirituel en compagnie d’un Maître spirituel et Imâm ou d’un éducateur qui peut le conseiller. Et celui qui ne prend pas son éducation de celui qui ordonne le bien et interdit le mal, qui corrige les défauts de ses actions, les vices de son âme et qui sera son miroir fidèle, celui-là ne peut être pris comme exemple pour la purification des états. »
Sidi Abû Madyan – que Dieu l’agrée – a dit : « Celui qui ne prend pas la bonne éducation chez les éducateurs, celui qui le suit s’éteint. »
L’auteur des Latâif al Minan a dit : « L’exemple doit être pris chez le Saint dont Dieu t’a montré l’existence et dont il t’a fait part des secrets de son cœur et de la place qu’il a auprès de Lui. Par cela, Dieu a placé ton regard au-delà de son enveloppe humaine, en présence du secret de son élection. Ainsi, tu as pu t’abandonner à lui, il t’a fait parcourir les chemins de la sagesse et de la maturité spirituelle. Il te connaît avec tous les traits, les caractéristiques de ton âme, ce qu’elle contient.
Il t’enseigne l’union avec Dieu et l’éloignement de tout ce qui est autre que Dieu. Il t’accompagne sur le chemin jusqu’à ce que tu arrives à te prémunir de tous les choix répréhensibles que ton âme serait tentée de faire. Par la connaissance de ton âme, tu pourras t’en éloigner et ne pas la suivre dans ses égarements ; par la connaissance du don de Dieu, tu auras la volonté de retourner à lui et d’être reconnaissant envers Lui et d’accepter de rester de longues heures en Sa Présence. »
Le même auteur a écrit aussi : « Ton Maître n’est pas celui de qui tu as entendu des paroles, ton Maître est celui de qui tu as pris. Il n’est pas celui qui te parle, il est celui dont l’indication coule en toi. Il n’est pas celui qui t’a fait parvenir à la porte, il est celui qui a levé le voile entre toi et lui. Le Maître n’est pas celui dont les paroles t’atteignent, ton Maître est celui dont l’état te stimule. C’est lui qui t’a fait sortir de la prison de tes passions et t’a fait entrer dans la Présence du Seigneur. Il est celui qui, en permanence, poli le miroir de ton cœur jusqu’à ce que les Lumières Seigneuriales s’y reflètent. Il t’a emmené vers Dieu et tu es allé vers lui, il t’a emmené jusqu’à te faire parvenir jusqu’à lui. Il reste en permanence à tes côtés, jusqu’à ce qu’il te remette en Ses Mains. Il t’a alors plongé dans les Lumières de la Présence Divine et dit "Te voici et Ton Seigneur". »
[1] On l’appelle aussi le « Mujaddid » : (celui qui assure le renouveau) : en faisant allusion au hadîth bien connu : « Dieu envoie à cette communauté à la tête de chaque siècle quelqu’un qui revivifie pour elle sa religion » Hadîth sahîh: rapporté par Abû Dâwud dans ses Sunan (n° 4291), Al-hâkim dans son Mustadrak 4/522, Al-bayhaqî dans ma’rifat as-sunan wa al-âthâr 1/28/422 et par d’autres.
Cela concerne aussi bien les savants exotériques qui répondent aux questions d’actualité de la communauté en ce qui concerne la jurisprudence ou autre, que les savants ésotériques (les connaisseurs de Dieu qui aident les disciples à purifier et réformer leurs cœurs dans l’environnement et le contexte de chaque époque).
[2] Sourate Tawbah, verset : 119
[3] Sourate 26, verset 59 : les walis ou les élus ou encore « les experts en Dieu: khabîr, pluriel : khubarâ » existent et existeront tant que le soleil brillera sur cette terre : Abû Hurayra rapporte que l’Envoyé d’Allah (bénédiction et paix sur lui) a dit: « Allah a dit: Celui qui fait montre d’hostilité envers un de mes walis (amis, saints, élus) Je lui déclare la guerre. Mon serviteur ne se rapproche pas de moi par quelque chose de plus agréable à Mes yeux que l’accomplissement de ce que Je lui ai prescrit et , Mon serviteur ne cesse de se rapprocher de Moi par des oeuvres surérogatoires au point que Je l’aime. Et lorsque Je l’aime, Je suis son ouie par laquelle il entend, son regard par lequel il voit, sa main par laquelle il saisit, et son pied avec lequel il marche; s’il Me demande, assurément Je l’exaucerai; s’il cherche prés de Moi asile, assurément; Je le lui donnerai." Rapporté par Al-Bukhârî.
[4] Sourate 43, verset 67.
[5] Rapporté par At-tirmithî dans ses Sunans (Kitâb Az-zuhd) et Abû Dâwûd dans ses Sunans (kitâb al-adab).
[6] Rapporté dans le Sahîh al-Bukhârî : Hadîth 1926 (p 823) le livre des bêtes à égorger et du gibier : dans « le sommaire du sahih al-bukhârî » Tome II, par L’Imam Zein Ed-Dine Ahmed ibn Abdul-Latif A-Zoubaidi.
[7] Rapporté par At-tirmithî dans ses sunans(Kitâb sifat Al-qiyâma wa ar-raqâiq wa al-wara‘).
[8] Rapporté par Muslim (Kitâb Al-birr wa As-silla wa al-âdâb).
[9] Le Idhn est une notion subtile qui implique une compétence prodigieuse du maître vivant et une lumière venant de Dieu pour mener à bien sa mission noble de l’enseignement et de l’éducation spirituelle. Plusieurs faits de la sîra (biographie du Prophète et des compagnons) témoignent de l’existence et de l’authenticité du Idhn.