Asfiyahi.Org Actualites-de-la-Hadara UN RAPPEL DU MESSAGE DU KHALIF GÉNÉRAL DES TIDIANES : RESTAURER NOTRE VOLONTÉ DE VIVRE ENSEMBLE, PAR PR ABDOUL AZIZ KÉBÉ
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UN RAPPEL DU MESSAGE DU KHALIF GÉNÉRAL DES TIDIANES : RESTAURER NOTRE VOLONTÉ DE VIVRE ENSEMBLE, PAR PR ABDOUL AZIZ KÉBÉ

À l’entame de ce nouvel an 1443, le Khalife général des Tidianes, Serigne Babacar SY Mansour, nous a gratifiés d’un discours lourd de sens, sur la lignée de l’annonce coranique à l’endroit du Messager d’Allah :
Nous allons te révéler des paroles lourdes (très importantes) .
Innâ sa-nulqî ‘alayka qawlan thaqîlan.
Ce discours vient à son heure pour nous rappeler qu’en ces moments de crise, l’opportunité nous est offerte de nous inspirer de l’élan de l’Hégire qui a propulsé l’islam si loin et si haut, après qu’il eut à traverser moult épreuves, dans son message et ses adeptes. Ce discours, bien à propos, nous a parlé. Il nous a délivré un message pour que nous modifions nos comportements, dans un sens qui nous améliore, et qui nous place sur la rampe du progrès social, et de l’élégance morale.
L’on peut comprendre, à travers cette interpellation, un avertissement pour nous réveiller et nous éveiller sur la signification qu’il nous faut donner à la crise. Est-ce pour nous lamenter, nous mobiliser dans une complainte permanente comme, hier, avertissait son homonyme, le 1er Khalife de Mawdo ? Ou bien alors, est-ce le moment de l’action collective pour faire face aux contingences, avec contrition mais aussi avec raison ? La réponse est, sans nul doute dans cette dernière. Car il se reflète, dans cette invitation, un réajustement, une claire conviction que la crise n’est pas inéluctable. Elle pourrait même être une opportunité pour un changement, si nous sommes attentifs et capables de lui donner une signification autre que la résignation et les complaintes. Donner une signification à la crise sanitaire, avec ses multiples conséquences, c’est interroger le Coran sur le sens de l’épreuve, balâ.
Retour à Dieu par l’humain
L’épreuve, dans l’enseignement coranique, est toujours un rappel et un appel. Elle rappelle que nous sommes proches de la ligne rouge, des limites. Or, en gravissant allègrement les limites, on est dans l’aventure, dans l’inconnu même. Puisqu’au-delà des limites, il n’y a plus de frontière et quand il n’y a plus de frontière, on ne sait plus où l’on va. C’est pour ramener les humains dans le cadre qui définit leur humanité, et les prévenir de ce risque d’errance, que les épreuves sont des rappels et des appels au retour . Et le Khalife l’a bien évoqué, en appelant à un retour vers Allah, par un retour vers soi, vers ce qui, en chacun de nous, appelle à l’humain, c’est-à-dire, à la vertu.
Le retour à Dieu par la prière est-il suffisant ? Il est nécessaire mais pas suffisant. Le khalife le précise dans son message en prônant les prières, l’aumône, et d’autres actes d’adoration, certes. Mais il exhorte à l’action aussi, en société, pour assurer à l’espoir sa base spirituelle et son support matériel. Car c’est ce support matériel qui atteste notre attachement à l’humain. Or, il est illusoire de proclamer son sentiment à l’humain sans être rattaché aux autres, par le lien de l’action. Mais de quelle action s’agit-il ?
Le Khalife général des Tidianes, en s’adressant à chacun en tant qu’individu, responsable devant Dieu, c’est-à-dire, répondant de ses actes, place tout le monde devant sa responsabilité individuelle. C’est cet assujettissement ultime aux conséquences de ses actes qui dicte l’ajustement à la vertu, quels que soient son rang et ses grades.
Tension vers Dieu par l’attention portée sur les autres
Certes, dit Serigne Babacar Sy, l’épreuve que nous vivons est de la volition de Dieu qui, Seul, a le pouvoir de la dissiper . Cependant, cela n’empêche pas de faire usage de notre responsabilité individuelle, de réveiller l’humain en nous, par l’intérêt que nous devons avoir pour les autres. Ceci est diffèrent du fait d’intéresser les autres à notre propre personne, à notre propre cause. Et Serigne Babacar interpelle ici, aussi bien les mouvements citoyens que les groupements politiques, engagés dans le jeu démocratique.
L’attention portée sur les affaires publiques, sur les hommes et leur devenir en société doit rester dans le cadre qui nous définit, en tant que citoyens mais en tant que citoyens croyants. De ce point de vue, il n’y a pas de cloison entre les deux. C’est le même individu, tendu vers Dieu, qui s’élance en société, par l’action positive, vertueuse. Car pour le croyant, il n’existe pas d’autre finalité qu’Allah, il n’y a pas d’autre espérance que la grâce d’Allah. Et pour cela, l’œuvre n’est qu’un moyen d’atteindre l’agrément.
Si telle est la conviction du Khalife, telle que nous l’avons perçue dans son discours, il nous reste à nous l’approprier dans les différentes sphères qu’il a définies :
– au plan individuel et moral,
– au niveau de l’engagement citoyen,
– au plan du leadership, politique, religieux, intellectuel et autres,
– la part des médias.
Pour tous ces niveaux de l’intervention des Sénégalais, le Khalife invite à la précellence des intentions pour insuffler à l’acte l’âme de la vertu, de la conscience d’Allah. Car si les intentions ne sont pas excellentes, si elles sont corrompues, les actes suivront. Or, à tous les niveaux, et il est loisible de le constater avec lui, il y a à redire dans les actions menées. Les oppositions ne sont plus résolues dans le débat contradictoire, avec arguments et preuves par les faits. On ne débat plus on se débat, on n’expose plus des thèses fondées sur le raisonnement et les références valides, mais on invective, on diffuse des imprécations. On ne convoque plus l’intellect mais l’affect. La véhémence est érigée à la place de la preuve, l’arrogance suffit pour prouver la bonne foi. Il y a de plus en plus des marchands de peur qui sont promus mieux que les porteurs de projets, tant et si bien qu’une sorte de populisme médiatique semble attirer, par un magnétisme irrésistible, tout intervenant. Les Réseaux sociaux sans aucune régulation efficace, prennent le sens inverse de la voie du civisme. Et voilà que par l’excitation des passions et des colères, vraies ou feintes, on crée les conditions des fractures, on incite au radicalisme et à la haine. Et dans ce jeu, il semble que les acteurs ne s’interdisent plus rien, et n’ont plus de limites. Or, au-delà des limites, il n’y a plus de but. Et le Khalife de rappeler les limites pour que le legs ne soit pas perdu.
Réinventer notre commune volonté de vivre ensemble
Le vivre ensemble dont nous avons hérité, pour être préservé et consolidé, doit se réinventer en nous appuyant sur l’esprit de l’humanisme qui nous caractérise tous, et qui transcende nos identités partisanes. Aujourd’hui, c’est le Sénégal qui est en jeu parce que nous jouons avec le feu de la haine et de la colère permanente. Le Khalife nous ramène à cette volonté de vivre ensemble qu’il nous faut restaurer, par la solidarité dans ce qui nous restitue notre sentiment d’humanité. Être disponibles pour la solidarité dans la bienveillance et dans la conscience d’Allah. Nous libérer de la trop forte tentation des extrêmes, prégnante aujourd’hui dans toutes les sphères, pour ne pas ajouter au tragique de l’épreuve (balâ), la tragédie de la haine et de la rancune, en refusant de s’écouter, de converser, et de se rencontrer.
Le Khalife des Tidianes, Serigne Babacar Sy Mansour, nous réveille de notre torpeur, nous remet sur le bon sens pour que notre action soit juste et bénéfique. Il nous bouscule gentiment pour qu’on sorte de notre zone de confort, à l’image de l’injonction coranique : Qum fa-Andhir, Léve-toi et avertis !

Pr Abdoul Azize KÉBÉ

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