Le 27 décembre 2016, il a été signé le décret 2016/2044 approuvant et rendant exécutoire le plan directeur d’urbanisation de Tivaouane.
Ce PDU définit une vision claire et cohérente du développement de la ville.
Le décret prévoit des assiettes foncières nécessaires aux équipements sociaux, aux zones d’habitat et aux zones d’activités.
Une mise en œuvre correcte de ce PDU aurait permis à Tivaouane d’être à l’abri de problèmes d’infrastructures de qualité dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la formation et du développement économique.
En plus du PDU , l’état du Sénégal a lancé le programme de modernisation des cités religieuses en 2014.
La commune de Tivaouane a pu bénéficier de plusieurs infrastructures et réalisations dont entre autres : l’aménagement de l’esplanade des mosquées, la voirie et l’éclairage public densifiés, de nouveaux locaux pour la police et la gendarmerie…
La liste est loin d’être exhaustive .
Cet ambitieux programme de l’état du Sénégal avec plusieurs volets dont certains très prioritaires a connu un ralentissement voire même un arrêt dans certains domaines comme la santé, l’assainissement, l’éducation en partie..
L’objectif de cette contribution est de faire à la fois un diagnostic citoyen (critique et non de critique ) et un plaidoyer pour l’intérêt des populations de Tivaouane et environs.
1. SANTÉ
Dans le domaine de la santé, la ville dispose d’un établissement public de santé niveau 2 , l’hôpital Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh auparavant centre de santé.
La cité dispose aussi d’un centre de santé fonctionnel au quartier keur Mass et d’un seul poste de santé au quartier Médine et quelques rares structures privées.
Récemment, un nouveau poste de santé a été érigé dans l’enceinte de la Zawiya Elhadji Malick Sy Rta à Tivaouane pour la prise en charge des centaines de talibes sous la houlette de Serigne Babacar Sy Abdou.
Rappelons que ces apprenants sont entièrement et gratuitement pris en charge par la famille ( éducation, hébergement, restauration, santé..)
Ce poste de santé a été entièrement construit par les bonnes volontés et bénévoles de la hadra sous l’autorité du khalife.
Le poste de santé est entièrement équipé par le ministère de la santé avec une ambulance médicalisée offerte par l’ancien ministre de la santé Abdoulaye Diouf Sarr .
Pour en revenir à l’hôpital Mame Abdoul Aziz Dabakh Rta qui fait la une de l’actualité, il a une vocation nationale si on le considère sous l’angle anthropologique et religieux.
C’est en effet le seul hôpital du département de Tivaouane qui polarise plusieurs centres et postes de santé et qui accueille des patients et affiliés à la famille venant de toutes les régions du pays.
Certains patients préfèrent quitter leurs localités lointaines pour venir se soigner à Tivaouane , y être suivis et même y être enterrés en cas de décès.
Cependant, malgré les multiples difficultés liées au personnel, au plateau médical et technique, à la maintenance, au déficit de ressources de manière générale, au flux massif des patients, le laboratoire de l’hôpital sous la houlette du Dr Commandant Sakho et de son équipe est une référence sur le plan national en termes de prise en charge, de qualité de service, de discrétion, de fiabilité et de célérité dans la délivrance des résultats..
Il est vrai que la stigmatisation se généralise facilement, surtout en cas de scandale mais autant il convient il convient de dénoncer certains comportements et manquements, autant il faut valoriser les bons modèles qui fort nombreux dans le secteur de la santé et dans d’autres secteurs font preuve de compétence, d’éthique et de responsabilité dans l’exercice de leurs missions et fonctions.
La tragédie qui vient de se dérouler sous nos yeux, avec 11 bébés calcinés doit être une leçon apprise pour apporter des solutions structurelles aux nombreux maux dont souffre l’hôpital, mais aussi réagir favorablement aux nombreux plaidoyers du khalife général, de la famille et des populations.
Du reste, il convient de souligner que la famille de Seydi Elhadji Malick Sy ne s’est pas limitée à des plaidoyers mais a toujours soutenu et accompagné l’hôpital dans tous les domaines.
Finissons-en donc avec l’indignation et l’émotion, c’est le temps de l’action.
À court et moyen terme, il faut :
– renforcer les ressources ( au pluriel) de l’hôpital
– relever le plateau médical et technique pour répondre au statut d’hôpital niveau 2
– renforcer le personnel et surtout faire le pari d’un personnel suffisant et de qualité.
– accélérer la construction du second hôpital moderne de niveau 3 prévu dans la ville sainte.
Rappeler que la pose de la première pierre était prévue en octobre 2021, à la veille du gamou.
Malheureusement l’agenda étatique ne correspondait pas avec l’agenda religieux car à cause de la pandémie du covid 19, Tivaouane n’a pas eu à célébrer en grande pompe le Maouloud en 2020 et 2021, cet événement ayant été vécu plutôt dans les domiciles.
Le Président de la République a annoncé ce 27 mai à Tivaouane le démarrage des travaux d’ici 3 mois, période du gamou, délai qui peut être rapproché avec l’espoir que suscite la construction de ce second hôpital auprès des populations.
N’est ce pas l’occasion de mettre à contribution les entreprises minières implantées dans le département comme les ICS et GCO pour accompagner l’état et les collectivités territoriales avec des dépenses sociales et une responsabilité sociétale d’entreprise ( RSE) orientée vers les besoins et priorités des populations.
Malheureusment à la lecture du dernier rapport itie 2020, les dépenses sociales des entreprises pour la région de Thiès se chiffrent à 1.346.844.309 F CFA dont 6% pour la santé, 2% pour la riposte covid 19, 12% pour l’éducation, 3% pour l’hydraulique et 56 % pour appuis divers qui ne profitent pas à la communauté ( fourre-tout.. billets à la Mecque, appuis aux jeunes, femmes, religieux…) .
Pour des entreprises qui font des centaines de milliards de chiffres d’affaires , il faut une RSE plus contraignante en phase avec les préoccupations des populations et surtout dans le domaine de la santé pour atténuer les impacts négatifs de l’exploitation sur la santé des populations.
Il m’est difficile de clore ce volet santé sans parler du village de Fass diaksaw, titre foncier de Mame Elhadji Malick Sy, situé à 13 kms de pire et 22 kms de Tivaouane.
Ce village fondé par Mame Elhadji Malick Sy en 1904 ( année de naissance de Mame Abdoul Aziz Sy Dabakh) dispose d’un seul poste de santé érigé en 2015 et qui polarise 38 villages .
L’unique ambulance médicalisée fonctionnelle pour les évacuations a été offerte par les talibes tidianes vivant en Italie par l’entremise de Serigne Sidi Ahmed Sy Dabakh.
Fass diaksaw ne dispose pas de maternité et les femmes enceintes sont obligées d’aller à Pire, Mekhe ou Tivaouane pour l’accouchement.
Le seul forage de la localité date de 1983.
C’était sous le régime socialiste et sous le magistère de Mame Abdoul Aziz Dabakh
39 ans après , les populations avec une démographie galopante attendent toujours un second forage dans le cadre du pudc ou d’autres programmes.
2. ASSAINISSEMENT
En août 2018 , 6 mois avant les élections présidentielles de 2019, l’ancien ministre de l’assainissement avait lancé le programme d’assainissement de Tivaouane.
Le dit programme financé à hauteur de 4.300.000.000f CFA par la Boad et l’état du Sénégal devait prendre le volet EAUX USÉES pour 10 quartiers sur les 72 quartiers que compte la ville sainte avec les villages rattachés.
Il était prévu la fourniture et la pose de 16, 539 kms de conduites avec 1558 branchements à l’égout, la construction de 02 nouvelles stations de pompage, la construction de 50 édicules scolaires et la réalisation d’une station d’épuration d’une capacité de 2100m3/jour.
Les travaux devraient durer 18 mois et impacter directement 22.000 personnes.
Nous sommes en mai 2022 et 45 mois après le lancement officiel en août 2018 devant les autorités religieuses, administratives, locales et les populations le programme peine à être bouclé.
Le paradoxe dans tout cela, c’est que le quartier Elhadj Malick Sy qui constitue le cœur de la ville sainte de Tivaouane et qui abrite la résidence du khalife général, celles de tous les dignitaires de la famille et les différents lieux de culte et mausolées vient à peine d’être pris en charge récemment et partiellement à la suite d’un avenant entre l’ONAS et et L’AGEROUTE
Un Audit technique et financier du dit programme s’impose en plus d’une enquête de satisfaction auprès des populations bénéficiaires.
Dès 2017, en tant qu’ acteur de la société civile, nous avions alerté et fait le plaidoyer pour que Tivaouane et les autres cités religieuses qui accueillent des millions de personnes durant les grands événements religieux puissent bénéficier de programmes spécifiques d’assainissement , afin de faire face au besoin d’évacuation des eaux usées et pluviales.
Gouverner c’est prévoir, a-t-on coutume de dire.
À partir de 2023, les plus grands événements religieux vont coïncider avec la saison des pluies et ce cycle peut durer jusqu’à 10 ans.
Un Gamou ou un Magal, en pleine inondation, avec des milliers de fidèles devant camper et cuisiner à l’air libre,
fiction ou réalité proche ?
Même s’il est vrai que l’assainissement est moins visible que les autres infrastructures, parce que souterrain en partie, il n’en demeure pas moins qu’il constitue une sur-priorité voire même une urgence pour les populations .
3. ÉDUCATION
La carte scolaire s’est beaucoup densifiée avec un maillage de la ville dans tous les ordres d’enseignement sans compter les écoles privées et les daaras.
Cependant, l’un des maillons faibles reste le niveau secondaire.
Tivaouane ne dispose que d’un seul lycée, dénommé Khalifa Ababacar Sy qui commence à atteindre ses limites et qui polarise tous les Cem de la ville.
Un second lycée est une urgence pour les populations de Tivaouane et pourquoi pas un lycée technique et professionnel à vocation agricole et minière.
Comme dans le domaine de la santé, les entreprises minières implantées dans la zone pourraient dans le cadre de la RSE et du contenu local (volet formation qualifiante et emplois qualifiants) accompagner l’état et les collectivités territoriales pour la construction et l’équipement d’un second lycée pour Tivaouane et environs.
Un institut supérieur d’enseignement religieux pourrait être aussi un prolongement des daaras classiques .
4.EMPLOI
Tivaouane est une ville composée en majorité de jeunes.
La plupart des jeunes qui ne sont pas dans les structures de formation sont dans le secteur informel, singulièrement sur les "motos Jakarta" , réputées dangereux , dans le petit commerce et dans de précaires emplois de " journalier" dans les entreprises de la place.
Force est de constater que les 2 métiers les plus prisés par beaucoup de jeunes et même des adultes de la cité religieuse sont le ‘ yalwaan" et le " woyaan" , deux faces de la mendicité, sans compter les nombreux bras valides restant à la charge des chefs religieux de la famille SY et des hommes politiques , notamment à l’occasion des grands événements religieux; Ramadan, korite, Tabaski, gamou, ziaar..
L’emploi des jeunes est donc une réelle priorité pour les populations.
L’état ne peut certes pas assurer un emploi à tout le monde mais à travers ses différentes structures dédiées , il peut développer des programmes spécifiques pour la ville en termes d’emplois.
TIVAOUANE, FUTUR PÔLE DE DÉVELOPPEMENT RELIGIEUX ?
RÊVE OU RÉALITÉ ?
Avec la relance annoncée de la reprise des travaux de modernisation de la cité, initiés par l’état du Sénégal, l’opérationnalisation de la Vision du nouveau Maire déclinée lors de la campagne arrimée au PDU de l’ancienne équipe municipale pour assurer la continuité sans oublier la Vision éclairée du khalife général sur les traces de ses illustres prédécesseurs, Tivaouane pourrait devenir d’ici quelques années cette cité de rêve à dimension humaine.
Pour ce faire, il faut une mise en cohérence de tous ces programmes et visions aussi bien publics que privés et une mutualisation des différentes ressources .
Moulay Abdoul Aziz Diop, petit fils de Seydi Elhadji Malick Sy et acteur de la société civile.
moulaymakhtar@gmail.com