Il m’a été donné le privilège de partager plusieurs fois ses repas avec lui dans ses appartements en présence de son fils Serigne Moustapha dont je salue la courtoisie, le savoir faire et le savoir vivre. Son apport personnel dans l’élargissement des bases de la tarikha s’apparente à celui de son valeureux père qui est parti, emportant dans sa demeure éternelle, beaucoup de secrets que son père lui confiait. Il est impossible de parier de Tivaouane sans se référer à Al Amine qui était le point de convergence de tout ce qui concerne la confrérie. Dès son jeune âge, son père l’avait initié dans la gestion de toutes les questions relatives à l’évolution de la tarikha au point qu’il en était devenu l’un des plus illustres contrôleurs.
Grand communicateur et régulateur social de renom, il était sollicité partout pour régler des conflits ou remettre de l’ordre dans les dahiras en proie à des dissensions. Porte parole de tous les khalifs généraux de la confrérie, il avait cette rare capacité de s’acquitter de ses nombreuses tâches en temps et en heure réels sans jamais déceler la moindre fatigue. Dans nos conversations, je lui disais qu’il était par excellence l’historien de la famille de Mawdo Malick tant il était instruit en profondeur de tous les événements heureux ou malheureux qui ont ponctué l’évolution de la communauté. Être régulier dans ses devoirs religieux, se mettre à la disposition de tous sans maugréer, faire respecter et appliquer les enseignements de son père et être le miroir de la tidianya, tel était Al Amine. Sa particularité était de ne rien faire ou entreprendre à moitié car l’homme était entier, sans réserve ni compromission. C’est ainsi qu’il a été formé dans la pure tradition des êtres véridiques, civilisés et dignes de confiance. Il était la synthèse de toutes les belles traditions de la famille Sy grâce à la parfaite éducation qu’il a reçu de son père.
Célébrant le quarantième anniversaire du rappel à Dieu de son vénéré père Khalifa Ababacar SY, il m’avait fait l’honneur de présider le comité national préparatoire. Son engagement personnel dans cet événement d’une portée historique, avait été à la base de tous les succès qui ont jalonné notre cheminement. Quelques temps avant son rappel à Dieu, nous avions eu des séances de travail étalées sur une semaine à Tivaouane, avec le professeur Mamadou Koumé et en présence de son fils Serigne Moustapha et son neveu Babacar Fall. Sous le feu roulant de nos questions, il nous avait parlé de long en large de la vie et de l’œuvre de Serigne Babacar Sy RTA. Malgré la fatigue et le poids de l’âge, il n’avait rien perdu de sa superbe, de son éloquence et du bon fonctionnement de sa mémoire. Quand il parlait de son père, son inspiration s’accentuait de plus belle et à travers ses propos, se révélaient ses profonds sentiments d’affection et de respect à l’endroit de celui qui fut l’inventeur des dahiras au Sénégal en 1927.
Après sept mois de califat, il rendit l’âme le 22 septembre 2017 à l’âge de 90 ans. Son ancrage dans les valeurs de l’islam soufi en avait fait un homme foncièrement pieux, généreux, solidaire et compatissant. Il restera éternellement gravé dans nos mémoires collectives pour avoir consacré toute sa vie à l’islam, à la confrérie Tidiane, à la famille de son grand père cheikh Seydi Hadj Malick Sy et à tous les disciples de la merveilleuse école de Tivaouane.
Serigne Abdou Al Amine avait le sens très poussé du partage. En effet, il distribuait intégralement dons et aides qu’il recevait, dans la majorité des familles installées à Tivaouane et même jusqu’au-delà. Il n’avait de répit que lorsqu’il venait en aide à tous ceux que le hasard mettait sur sa route. Son humanisme de bon aloi, son intégrité, son sens de la mesure et sa compréhension du monde, ont fait de lui un guide religieux incorruptible, équilibré toujours en phase avec les principes sacro-saints de l’islam et du tidianisme. Il fut un homme indemne de toutes souillures durant sa jeunesse, durant son adolescence et durant sa vieillesse. En vérité, il fut un homme exemplaire dans toute l’acception du terme.
Qu’il repose dans les plus splendides jardins d’Allah SWT.
Amine
Majib Sène