Cheikh El Hadji Malick Sy fait souvent référence à des faits historiques environnants en tant que repères de datation avec un certain souci de précision qui déconstruit, en même temps, l’illusion d’un monopole de l’écriture historique par les seuls tenants de l’école dite « occidentale ».
Pour donner un exemple parlant de cette spécificité du Khilâçu Dzahab de Cheikh El Hadji Malick Sy, on pourrait s’appuyer sur les passages qu’il consacre à l’enfance orpheline du Prophète de l’Islam, notamment la perte de son grand-père Shayba Ibn Hâshim plus connu sous le nom d’Abdul Mutallib.
Pour étayer sa thèse selon laquelle le Prophète de l’islam, déjà orphelin de ses deux parents, a perdu son grand-père alors qu’il était âgé d’environ huit ans (8), Cheikh El Hadji Malick Sy consigne en un vers de multiples informations et repères aujourd’hui historiquement vérifiables.
Aama thamânî wafatul jaddi dzâ hanamin/Wa hâtimin wa ânû shirwâna dzil karamî
Trois figures historiques sont mentionnées dans ce vers et dont les dates de décès croisées à celle de la naissance de Muhammad (PSL), en l’occurrence l’an 570-71, montre effectivement qu’elle coïncide avec les huit ans du Prophète.
D’abord, Cheikh El Hadji Malick évoque la mort d’Abdul Mutallib qui s’est produite en l’an 578 après JC en apportant une autre précision sur son âge (95 ans) qu’il exprime à travers la technique numérologique dite « Abjad » par les trois lettres H (5) N (50) M (40) dont le total des valeurs fait 95.
Ensuite, l’auteur de l’inimitable Khilâçu Dzahab (l’or décanté), qui peut être considéré comme le maître incontesté de son époque en matière de Sîra du Prophète entre autres, donne un autre repère historique à savoir la mort de Hâtim at- Tâ-î. C’est ce poète médiéval célèbre par sa générosité légendaire qui a donné en arabe l’expression « Akram min Hâtim » (plus généreux que Hatim). Il est, par ailleurs, d’après certaines chroniques, le père de Safâna Bint Hâtim, une des femmes parmi les Sahâba (compagnons) du prophète. Les sources historiques concordantes confirment la mort de Hâtim at-Tâî en l’An 578, donc huit ans après la naissance du Prophète Muhammad (PSL)
Enfin, en guise de repère, Cheikh El Hadji Malick Sy se réfère à une autre figure historique, cette fois-ci, plus loin de l’environnement immédiat du Hedjaz en la personne du Roi des perses Sassanides Chosroès I qu’il désigne dans le vers par son épithète le plus usité à l’époque, Anu Shirwân, du persan « Anoushirvan » qui signifierait « Âme immortelle ». Avec de légères divergences dues certainement aux décalages de datation, sa mort survint au début de l’année 579 ; ce qui reste dans l’intervalle des huit ans du Prophète de l’Islam.
Au-delà des simples questions de datation et de coïncidences historiques manifestes, l’art de Cheikh El Hadji Malick Sy de donner une cohérence aux divers lieux et temps de l’histoire prophétique tout en veillant au croisement des sources correspond à l’idée de l’historien François Dosse selon laquelle, l’essentiel de l’événement historique doit se situer dans sa trace, « dans les multiples échos de son après-coup ». En liant systématiquement les temporalités et nous faisant voyager spatialement du Hedjaz à la Perse pour mieux situer le parcours du Prophète magnifiquement traité dans le Khilâçu Dzahab, Cheikh El hadji Malick Sy prenait déjà en compte la notion de « représentation mentale » chère à un certain Georges Duby issu de la troisième génération d’historiens se réclamant de la célèbre « École des Annales ».
Dr. Bakary SAMBE
Enseignant-Chercheur au Centre d’Etude des Religions de l’université Gaston berger de Saint-Louis
Membre de Prospec’TIV 50
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