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Les Chroniques du Doyen – Seydi Mouhammadou Mansour Sy, Borom Daradji, neuf ans déjà (par Majib Sène)

Le 8 décembre 2012, le Sénégal tout entier a sombré dans l’émoi et la consternation, à l’annonce du rappel à Dieu de Seydi Mouhammadou Mansour Sy, Khalif général des tidianes. Nous avons tous été ébranlés par cette terrible nouvelle, tant cet homme aux élans féconds, incarnait la sagesse, la culture islamique incomparable, l’élégance et son ancrage dans les valeurs du tidianisme dont il était le plus grand défenseur. Éduqué par son vénéré père Khalifa Ababacar Sy, il avait hérité de lui l’intelligence, la sagesse et l’esprit intuitif, toutes choses qui faisaient de lui un des plus célèbres étendards de la confrérie Tijanya, fondée par Cheikh Ahmed Tijane Aboul Abass Ahmada Tijane (RTA).

Seydi Mouhammadou Mansour Sy étonnait le monde entier par l’étendue de ses connaissances dans le vaste domaine des sciences islamiques, à tel point qu’il en était devenu un transmetteur de classe exceptionnelle. Il avait réussi à maîtriser parfaitement toute la littérature produite à la fois par son grand père Cheikh Seydi Hadj Malick Sy, par son père Seydi Ababacar Sy et pour tout dire, des grands maîtres de la tarikha. Si l’école de Tivaouane a connu un si grand rayonnement, elle le doit, en partie par celui qu’on appelle affectueusement « Borom Daradji », grâce à ses vastes connaissances qui faisaient de lui un grand maître incontesté. Serigne Mansour avait la particularité d’être un homme d’une exceptionnelle générosité viscéralement, ancré dans les valeurs islamiques, affichant sa fierté d’être un serviteur de Dieu dans toute l’acception du terme. Il est difficile de compter le nombre de personnes qui, grâce à lui, ont effectué le pèlerinage à la Mecque. J’ai eu la chance d’en faire partie en 2002.

Ce grand serviteur de l’Islam nourrissait à mon endroit une profonde affection à telle enseigne qu’il m’offrait beaucoup de ses riches vêtements. Il le faisait avec un immense sourire depuis le jour où il a eu entre ses mains, le livre que j’ai écrit sur son vénéré père et intitulé « Khalifa Ababacar Sy, le diamant noir ». Après la publication de ce livre en français, en anglais et en arabe, je vis en rêve Serigne Babacar serrer le livre sur sa poitrine et me dire toute sa satisfaction. Depuis ce jour, j’ai mieux compris qui était Serigne Babacar et davantage apprécié sa grandeur parmi les hommes de Dieu.

Serigne Mansour était un régulateur social très prévenant, ouvert à tout parce que bien imprégné des problèmes de sa société. L’un de ses actes les plus significatifs, fut son mémorable voyage en Casamance pour régler un dangereux conflit qui couvait pendant plusieurs années entre deux ethnies Diola et Mandingue. Il s’agissait d’ouvrir une mosquée, objet de ce conflit et grâce à Dieu, sa mission fut couronnée de succès. Travailleur infatigable, il privilégiait l’agriculture convaincu que la terre ne ment pas. De son daara, sont sortis plusieurs moukhadams devenus aujourd’hui des prêcheurs incontestés qui font la fierté de la confrérie. Ses enfants Serigne Cheikh Tidiane, Serigne Habib, Mame Malick et Abdoul Aziz, sans oublier feu Seydi Diamil, marchent sur les traces de leur père avec intelligence et sagesse.

Serigne Mansour était un prestigieux guide religieux, plein de bonnes convenances, parfaitement intégré dans sa société d’appartenance dont il connaissait tous les ressorts. En plus de son élégance, il avait le verbe facile servi par une éloquence hors du commun. Sans lui, le Gamou sombre dans une morosité telle qu’on regrette aujourd’hui la disparition de ce géant de la culture islamique. Deux ans après son décès, son fils Serigne Habib Sy avait organisé une cérémonie d’hommage à son endroit qui avait rassemblé à Tivaouane tout le Sénégal. Jamais hommage ne fut plus grand, plus coloré, plus enthousiaste, le tout enveloppé dans une profonde ferveur religieuse.

Tous ont fortement pleuré la perte de ce géant de l’islam confrérique, qu’il pratiquait avec rigueur suivant en cela l’exemple de ses valeureux devanciers. Premier petit fils de Seydi Hadj Malick à occuper le khilafa, il a rempli sa mission avec honneur, dignité et compétence. Souvent il m’appelait à ses côtés, me faisant l’honneur et le privilège de partager avec lui ses repas. J’ai été comblé le jour où il m’a dit solennellement qu’entre lui et moi, il n’y a plus d’intermédiaire, ici comme ailleurs. Il a prouvé cela en de nombreuses occasions jusqu’à même m’appeler “Hadj Majib bou Serigne Babacar Sy”, faisant sans doute référence au livre que j’ai écrit sur cet exceptionnel serviteur de Dieu. C’est pour moi un devoir de me souvenir de cet homme, neuf ans après son rappel à Dieu. Il restera éternellement vivant dans mon cœur car, si le lièvre a pu manger le fruit de l’arbre, il doit en remercier l’oiseau qui l’a fait tomber.

Quand je parle de Serigne Mansour Sy, il m’est difficile de m’arrêter en raison de ses immenses qualités qu’il mettait au service de la confrérie. Sa grande passion de la culture, son envie inaltérable de vouloir toujours transmettre son savoir et sa détermination à rehausser à tout instant l’école de Tivaouane, sont pour moi autant de raisons pour être prolixe à son endroit. Religieusement parlant, Borom Daradji était un modèle parfait de droiture, mais également de convivialité attirante et séduisante. Son visage, brillant comme un tesson d’étoile, était toujours enjolivé par un large sourire qu’il distribuait à tous ceux qui lui rendaient visite. J’avais toujours bénéficié auprès de lui le même accueil chaleureux à Tivaouane, à Khombole, aux Almadies, à Rufisque, à la Sicap et à Niomré. Pour tout dire, je n’avais pas de sens interdit auprès de cet homme plein de générosité.

Pour toi vénérable guide de l’islam éternel, j’irai cueillir dans les jardins d’Éden, les plus belles fleurs de nénuphars, pour servir à tes pieds majestueux, de tapis doux comme le sable fin de la plage. Je clamerai haut et partout ton nom, afin que les échos dévoilés de ma voix conquise, amplifient les ultimes pulsations de la nuit, avant de se reposer dans les lits de l’aube. O toi flamme incandescente, daigne accepter cette ode fraternelle fécondée par une étoile filante, qui arrose de lumière limpide, la terre de nos angoisses.

Que sa demeure soit toujours inondée de lumière par la volonté d’Allah (SWT), avec la bénédiction de Taha l’Intercesseur (PSL), et par le truchement combiné de Cheikh Seydi Hadj Malick Sy (RTA), son grand père et son père Khalifa Ababacar Sy (RTA), la source qui ne tarit jamais.

Majib Sène

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