Il y a cent ans (si l’on se réfère au calendrier hégirien !), disparaissait, à l’âge de soixante-six (66) ans, SEYDIL HADJI MALICK SY (RTA), plus connu sous le pseudonyme de « MAODO » (le Patriarche).
L’évocation de cette disparition nous offre l’opportunité de revenir sur le parcours initiatique du saint homme, notamment l’épisode de la Mauritanie. Cette étape, la moins bien connue dans l’itinéraire du « Maodo », n’en est pas moins la plus déterminante dans la conduite de sa mission de vulgarisation du message de l’Islam et de la Tijaniyya, la voie soufie fondée par Sidi Ahmed Tijani Cherif (RTA), au Sénégal.
Le voyage en Mauritanie pourrait être situé dans le courant de l’année 1887, bien avant son pèlerinage aux lieux saints de l’Islam (1888).
Quelles ont été les raisons du voyage du saint homme en Mauritanie ?
Selon le Professeur El Hadji Rawane MBAYE, auteur d’une thèse de Doctorat d’Etat sur le grand savant El Hadji Malick SY, la visite en Mauritanie de Maodo avait, pour but principal, la recherche d’un maître pouvant lui permettre d’approfondir ses connaissances mystiques.
Jusque-là, Maodo Malick SY n’avait pour maître, dans le domaine de la mystique, que son oncle Alpha Mayoro WELLE qui lui aurait transmis, alors qu’il était âgé de dix-huit ans, ce qu’El Hadji Omar TALL (RTA) lui a avait confié à son intention ; ce fut à cette date qu’il l’initia à la Tijaniyya. Mais, en découvrant, au gré d’une simple compagnie, l’étendue et la qualité des connaissances mystiques de Muhammad Ali (RTA), hôte de son oncle, à Gaya, Maodo eut vite conscience de l’insuffisance de ses connaissances. Il demanda, alors, à son oncle la permission de rester encore un peu plus longtemps avec l’hôte maure, mais celui-là (l’oncle) lui conseilla, plutôt, d’aller lui rendre visite dans son pays, en Mauritanie.
Une autre raison du voyage résiderait, selon le témoignage des anciens, dans le fait que dès que Mame Maodo avait entendu prononcer le nom de Sidi Maouloud FALL (RTA), il nourrissait le désir intense d’aller se recueillir sur sa tombe.
Qui était Sidi Maouloud FALL (RTA) ?
Sidi Maouloud FALL est d’origine mauritanienne. Il est surnommé « Abou Souhoud » (l’étoile polaire) ; ce surnom lui avait été attribué par Sidi Ahmed Tijani Cherif (RTA) en personne, alors qu’ils ne s’étaient jamais rencontrés. C’est grâce à lui que la Tijaniyya a été introduite dans notre pays, et ailleurs en Afrique au sud du Sahara. Sidi Maouloud FALL avait initié à la Tijaniyya, un ressortissant du Fouta-Djallon (Guinée) du nom d’Abdoul Karim DIALLO (RTA). Ce dernier initia, pour la première fois, au wird tijane, El Hadji Omar TALL (bien avant sa rencontre avec Sidi Mohammed El Ghali en terre sainte) et Amadou Hamet BA dit « Mahdiyou BA », le père de Cheikhou Ahmadou, qu’il ne faut pas confondre avec Ahmadou Cheikhou « Lamidé Dioulbé », le fils aîné d’El Hadji Omar. Cheikhou Ahmadou avait, à l’instar d’El Hadji Omar, déclenché la guerre sainte dans le nord du pays ; il disparut à Samba Sadio.
Sidi Maouloud FALL a été initié par Cheikh Mohamd El Hafiz (RTA) de la tribu des « Idaou Ali » (les descendants d’Ali) en Mauritanie. Ce dernier a reçu le wird directement des mains du fondateur de la Voie, Sidina Cheikh (RTA).
Fermons la parenthèse pour revenir sur le voyage en Mauritanie !
Lorsque Mame Maodo est arrivé à ‘Tim bi Ali’, en Mauritanie, chevauchant un bœuf, et après avoir éprouvé tant de difficultés liées au voyage, il déclina respectueusement l’invitation du Khalife Mohammed FALL, le petit-fils de Sidi Maouloud FALL, de venir se reposer un peu dans le village. Il brûlait d’envie d’aller se recueillir sur la tombe du saint homme et de rester en sa compagnie. Aussi, lui fit-on dresser une tente à proximité de ladite tombe, avec quelques vivres !
Il y resta trois jours d’affilée, sans la quitter. Il construisit, de ses mains, une coupole au-dessus de ladite tombe. Si vous allez à ‘Tim bi Ali’, vous y trouverez les vestiges !
Le voyage en Mauritanie dura moins d’un mois ; d’aucuns parlent de vingt-cinq jours.
Si Maodo Malick SY fut initié à la Tijaniyya par son oncle Alpha Mayoro WELLE (RTA), c’est avec Mohammed Ali (RTA) qu’il s’enracina dans la connaissance profonde de la voie. Ce dernier lui délivra une « capacitation intégrale » pour sanctionner son nouveau statut. Mame Maodo a mis à profit son séjour en Mauritanie pour obtenir, en plus des connaissances sur le plan mystique, des diplômes dans les disciplines religieuses comme la lecture du Coran, les Hadiths (paroles du Prophète) et les sciences de Hadith.
Au moment du retour, Maodo Malick revint vers la famille de Sidi Maouloud FALL « Abou Souhoud » (RTA) pour leur tenir le langage suivant :
« J’ai l’intention de rallumer la flamme de la Tijaniyya dans mon pays, au Sénégal, et je sollicite que vous me fassiez accompagner, durant cette nouvelle mission, par un descendant du Cheikh !»
Devant sa détermination, la famille du Cheikh le mit en rapport avec le petit-fils du Cheikh (le fils d’une de ses filles) du nom de Mohammed El Mokhtar (RTA), qu’il ne faut pas confondre avec Cherif Mohammed El Mokhtar (RTA) de Kayes, au Mali.
Il faut, au demeurant, noter que ce dernier connaissait bien Seydil Hadji Malick SY (RTA). Cherif Mohammed El Mokhtar était très populaire au Mali ; grâce à son prosélytisme, les maliens venaient, en masse, s’affilier à la nouvelle voie. Et cela suscita de la jalousie, notamment de la part de certains marabouts bambara qui le dénoncèrent, dès lors, auprès de l’autorité coloniale de Kayes. Celle-ci prit l’affaire au sérieux et délivra un ordre d’expulsion au Cherif, exécutoire dans un délai de deux mois. Ayant été informé des bonnes relations qu’entretenait Maodo avec les autorités coloniales de l’époque, Cherif El Mokhtar se déplaça au Sénégal pour le rencontrer, aux fins de solliciter une intervention de sa part. Le Sage de Tivaouane fit une intervention auprès du Gouverneur Général de l’AOF à Dakar et l’ordre d’expulsion fut annulé.
Maodo Malick SY rentra, ainsi, au Sénégal en compagnie de Mohammed El Mokhtar, le petit-fils de Sidi Maouloud FALL. Celui-ci l’accompagnait durant tout le long de son prosélytisme et sa diffusion du message de l’Islam et de la Tarîqa, à travers tout le pays, en faisant la navette entre ‘Tim bi Ali’, son lieu d’habitation en Mauritanie, et Tivaouane, au Sénégal.
Après la disparition de Mame Maodo, Mohammed El Mokhtar continua sa navette en parcourant l’intérieur du pays comme du temps du vivant de son noble compagnon, jusqu’à son décès vers la fin des années 30.
Dès qu’il fut mis au courant, Cheikhal Khalifa Ababacar SY (RTA) envoya à ‘Tim bi Ali’, le prix du billet du voyage et demanda que son fils aîné, Mohammed Ahmed Alim, vienne continuer l’œuvre de son noble père disparu. Celui-ci s’exécuta au cours de l’année 1939. Serigne Babacar SY le mit en rapport avec son noble frère El Hadji Mansour SY « Balkhawmi » (RTA), surnommé « l’Inspecteur de la Tarîqa ».
El Hadji Mansour SY « Balkhawmi » et Cherif Mohammed Ahmed Alim, sur les traces de leurs nobles parents, avaient continué à parcourir certaines localités du pays comme Thiès, Pout, Rufisque, Dakar-Plateau, Ouakam, Yoff, pour ne citer que celles-là, jusqu’à la disparition, en 1957, d’El Hadji Mansour SY (RTA) et l’arrivée de Serigne Abdoul Aziz SY « Dabakh ».
Après la disparition de Serigne Abdoul Aziz SY (RTA), Cherif Mohammed Ahmed Alim continua sa navette entre ‘Noubbaghiya’ (région du Trarza, Mauritanie) – son nouveau lieu d’installation après ‘Tim bi Ali’ – et les localités du pays citées plus haut. Il fut rappelé à DIEU (SWT) dans le courant du mois de février de l’année 2018.
Ce qu’il faut surtout retenir du voyage en Mauritanie, c’est l’originalité de Seydil Hadji Malick SY (RTA).
En général, ceux qui vont en Mauritanie pour des compléments d’étude (c’est le cas de Mame Ousmane, le père de Maodo Malick SY !) reviennent toujours, avec dans leurs bagages, des manuscrits de livres. Maodo Malick SY, lui, non seulement, en est revenu, avec des diplômes tant sur le plan mystique que religieux, mais aussi et surtout, accompagné d’un petit-fils de Sidi Maouloud FALL (RTA), le plus grand propagateur de la Tijaniyya en Afrique au sud du Sahara.
Il faut, aussi, relever que Seydil Hadji Malick SY, au soir de sa vie, délivra une « capacitation limitée » à ce petit-fils de « Abou Souhoud », en même temps que Serigne Mansour SY Malick alors âgé d’une vingtaine d’années.
CHEIKH TIDIANE CAMARA
Fonctionnaire des Douanes en retraite