L’islam s’est installé depuis le 8e siècle en Afrique au sud du Sahara. Il n’a cessé de progresser avec la conversion des souverains et des peuples conjugués à la promotion du savoir et d’une nouvelle culture éthique au profit des populations. Les historiens et chroniqueurs n’ont cessé de mettre en exergue le rôle important qu’il n’a cessé de jouer [depuis 985-990, à Gao, où le roi du pays s’était déclaré musulman devant ses sujets et qu’un grand nombre d’entre eux l’avait suivi] aussi bien dans la restructuration des sociétés, dans la formation des élites, que dans les résistances face aux européens dans leurs expériences avec ce continent.
En ce qui concerne le rapport avec l’Occident, il commence dans la douleur puisqu’il est le début de la longue tragédie du continent, avec la traite négrière, puis la colonisation. On sait que le premier contact de l’Europe avec l’Afrique commence au 15e siècle avec la découverte de l’île de Palma en 1444. Un siècle plus tard, la controverse de Vallodolid, consacrait »la licéité » de la Traite des nègres considérés comme des »esclaves-nés ».
Pendant ce temps, l’islam, qui avait proclamé l’égalité de tous, sans distinction de couleur ni de langue, et l’aptitude de tous les humains à assurer le vicariat (même si les arabes ne l’ont pas toujours respecté), construisait des universités, des bibliothèques, des villes etc. La grande mosquée de Tombouctou et de Gao sont construites en 1325 et elles sont devenues de grands centres de formation et des universités où se sont retrouvés des étudiants venus de divers régions du Maghreb. A la suite de cela, des bibliothèques sont construites et la recherche et l’enseignement encouragés par une politique hardie de promotion et de protection des intellectuels et enseignants. Au même moment où on spéculait, en Europe, sur le caractère humain ou non de l’homme noir, le Cadi Aguibou construisait la célèbre mosquée de Sankore en 1581-1582 et Askia Dawud a eu cette brillante idées d’ériger des bibliothèques publiques et engageaient des écrivains »qui lui recopiaient les livres précieux qu’il offrait parfois aux savants »
Ici au Senegal, dés le 11e siècle, dans le nord, l’islam s’est établi, avec Wara Diabe qui s’était proclamé musulman, suivi par nombre des populations. En 1690, Malick Sy fonde l’Etat théocratique du Bundu. Un siècle plus tard, les Almamis fondent un Etat au Fouta avec des principes de gouvernement, inspirés à la fois de l’Ethique du terroir et des enseignements de l’islam, qui n’ont rien à envier aux règles de bonne gouvernance contemporaines. Avant cela, les marabouts sous la houlette de Nâçir Dine s’étaient révoltés contre les souverains locaux qui participaient à la traite des esclaves. Défaits, certains furent tués, d’autres furent réduits à l’esclavage, convertis contre leur gré au christianisme par leurs »bourreaux ».
Entre le 17e et le 19e siècles, l’islam, sous la bannière de ses guides a défendu les populations contre la tyrannie des souverains locaux et de leurs soldats, a déployé partout des foyers d’éducation pour former des élites et relever le niveau intellectuel des gens, procédant à un enrichissement des savoirs, à travers la langue arabe sans avoir jamais négligé les langues locales qu’ils ont plutôt enrichies. Les savants musulmans comme Cheikh Moussa Kamara, produisent un important corpus dont certains prennent le contre pied des thèses racistes de Gobineau, de Renan, etc. Les fondateurs des confréries ont poursuivi ce travail, en investissant les consciences pour préserver l’estime de soi. Et aux moments des indépendances une partie des élites arabophones, organisées dans les associations comme l’UCM, prend une part active au mouvement pour le »moom sa Reew », avec l’avant garde des fils et filles de l’Afrique se mobilisant pour l’indépendance.
Cet héritage à la fois intellectuel et culturel, spirituel et social, politique et même diplomatique semble compter pour quantité négligeable dans les ressources et ressorts qui ont servi à construire nos Etats post-indépendance. L’héritage légué par les colonialistes est le seul a être valorisé, à servir de repère et de ressort dans la conception de l’Etat, des politiques, des orientations et des projets. Or, sans cette référence à la totalité de notre histoire, on risque de rester longtemps à errer, à la recherche de la bonne direction.
Les indépendances, loin d’être des moments d’exaltation d’un transfert de dossiers administratifs entre les mains des élites politiques, auraient du être des moments de restructuration sociale, de refonte de nos Etats, de re-négociation d’un contrat social issu de nous et non imposé à nous. C’est alors qu’on aura notre Etat, un Etat civil et non religieux mais pas anti-religieux non plus, nourri de notre mémoire collective et tendu vers un destin commun.
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