23 novembre 2024
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[ Portrait ] SERIGNE MANSOUR SY DJAMIL, Banquier et Guide Religieux : Un Cartésien sur le Minebar |

« Je regrette profondément de ne pouvoir être parmi vous en ce moment de l’histoire de notre pays où tout est fait pour briser l’échine, intimider et bafouer la dignité individuelle et collective, de ceux qui ne se résignent pas, dont le seul péché est de vouloir discuter des problèmes du pays, comme cela se passe dans toutes les démocraties». Cette phrase figure en bonne place dans le message de Serigne Mansour Sy au président du Comité de pilotage des Assises nationales. Et de poursuivre : « il est salutaire, pour notre République, que les Sénégalais ne cèdent pas aux pressions et aux menaces proférées par les hautes autorités de notre pays ».

Une telle prise de positron donne déjà idée de la personnalité du fils aîné de Serigne Mouhammadou Moustapha Sy, que Serigne Abdoul Aziz Sy Dabakh a surnommé Al Jamil pour sa beauté légendaire, rappelant le Prophète Youssouf. Celui-ci est lui même le fils aîné de Serigne Khalifa Babacar Sy, premier Khalife de Seydi Hadji Malick Sy. En souvenir de son illustre Père, on l’appelle simplement Serigne Mansour Sy Jamil, un pur produit de la tradition islamo-wolof, de la culture helleno-occidentale et de la civilisation islamique.

Né à Saint Louis du Sénégal, à quelles lieues de la rue André Lebon où naquit son grand-père Serigne Babacar Sy, il a d’abord fréquenté l’école coranique de Serigne Mamoune Ndiaye où il a appris dès le bas âge les vertus du renoncement après avoir été abreuvé à la source du Père. Il se familiarise très tôt avec le Coran et la sagesse islamique, tout en fréquentant l’école Brière de Lisle avant d’atterrir au Lycée Faidherbe puis au Lycée Charles de Gaulle où il obtient le Bac. Destination : la Sorbonne à Paris, avant de se retrouver à Londres à la Polytechnic Central London.

Très engagé dans les luttes démocratiques, il prend la direction de l’Association des Etudiants sénégalais en France et se met aux premières loges de la lune pour la liberté. Sémou Pathé Guèye, philosophe et homme politique en était le Secrétaire général. Pour lui, « la très grande considération dont il jouit de la part d’une large frange de l’intelligentsia sénégalaise qui l’a connu à cette période découle de la façon dont il assumait ses responsabilités». Doué d’une inépuisable imagination,

il se distingue surtout par sa nature tolérante,ouverte, avenante et dévouée envers les autres. Il a toujours entre ses mains un essai, en anglais, en français ou en arabe, trois langues qu’il maîtrise avec bonheur. Il lit minutieusement et parfois avec un crayon comme un linguiste qui déchiffre un palimpseste. Il est loyal et franc. Mais il reste cartésien et demeure à cheval sur les principes de l’Islam. Ce qui pousse Serigne Abdou Mbacké, fils de Serigne Cheikh Khady Mbacké, Khalif de Darou Mouhty à affirmer, sans équivoque que :« c’est une force spirituelle et un meneur d’âmes pétri de qualités ». Celte disposition s’explique par son ascétisme qui l’intègre dans l’expérience absolue du Tawhid.

Un symbole d’ouverture

Visite à Fass du Khalife Général des Tidianes Serigne Mansour SY Boroom Daaraji
Serigne Mouhammadou Mansour Sy Jamil est surtout un banquier chevronné et un intellectuel à l’esprit alerte et à l’intelligence vive et vivante. Les quatorze années qu’il a passées en Europe ont contribué à réajuster sa vision du monde dont il perçoit et comprend vite les troubles et les mutations. Il a servi vingt-sept ans à la Banque islamique de développement (BID) dont le siège est en Arabie Saoudite. Pour Ousmane Seck, ancien ministre de l’Economie et des Finances du Sénégal qui l’y a trouvé, qu*« il possède une connaissance aussi encyclopédique que raisonnée de cette Institution ».

Mieux, son long séjour à Djeddah, Médine et à La Mecque a eté bien mis à profit dans sa permanente quête de Lumières. il s’y familiarise avec le Pr Hassane Ajub de La Mecque et avec Dr Cheikh Chuibuiti de Médine. Sa culture religieuse devenue impressionnante s’élargit encore. C’est d’ailleurs cette vaste culture qui l’a amené à projeter, à l’ombre du Mausolée de son Vénéré Père, la construction d’un Complexe socio-éducatif et culturel qui traduit une partie de sa vision du monde : exister et faire exister sans obscurantisme. Ce complexe serait mis en relief par les formes architecturales de la moquée qui abrite le mausolée de son Illustre Père, formes à la fois géométriques et rythmiques, dans les entrelacs, les stalactites, les palmettes et les arabesques et qui enseignent que chez cet homme, la vie, la nature et l’univers , constituent une theophanie.

En fait, Serigne Mansour Sy Jamil est simplement humaniste. Bâtir un Homme neuf, libre et épanoui est son permanent projet, (‘ela inclut chez lui I*incorruptibilité, la liberté et la foi non en un homme mais en l’Homme. « Il a rassemblé une impressionnante bibliothèque personnelle où se côtoient la religion, la littérature, la sociologie, la politique, l’économie », témoigne Cheikh Fall Médoune, cadre à la BID.

C’est d’ailleurs pourquoi, il est fortement lié aux grands intellectuels et penseurs du Sénégal comme ceux du reste du monde contemporain. C’est que grâce à ses fonctions, il a fait le tour du monde et a découvert les aspects intellectuels et culturels de civilisations naissantes, vivantes ou mourantes. Il fait alors de l’Homme le point central de son action. Il n’aime ni le sectarisme ni l’injustice préjudiciable à une communauté ou à l’Etre humain. Il tient de façon atavique au développement par la mystique du dialogue et de la vertu du travail. En raison de son expérience d’autrefois et de sa haute vision du monde,

il ne cède ni aux menaces ni aux chantages parce que son honneur n’abdique jamais. Patriote libre et républicain, il rappelle souvent que la «Constitution du 22 Janvier 2001 comporte 103 articles qui peuvent modifier, à l’exception d’une seule, la forme républicaine de l’Etat », non sans insister sur « la neutralité de l’Etat, la liberté religieuse et le pluralisme ». Au fond, cet intellectuel « capital », très lié à son ancien camarade d’internat, Serigne Abdou Fatah Mbacké, Khalife de Gaindé Fatma, a un esprit dialectique qui navigue aisément de la pensée aristotélicienne à l’univers sartrien. I

Il s’est familiarisé aussi bien avec les théories d’Ibn Batouta, de Abd Al Karim AI Jili, Abul Hassane Al Nouri, de Al Ghazali, de Imam Malick qu’avec les réflexions de Saint Augustin, de Saint-Thomas, de Maimonide ou, entre autres, de Pic XII. Max Weber, Wilfrid Pareto, Antonio Gramsci ou Roger Garaudy lui »tiennent souvent compagnie», s’il ne s’abreuve pas encore de Mimiya de Seydi Hadji Malick ou Ar’rimah de Cheikhou Oumar Foutiyou Tall.

Une vision de l’Islam

Serigne Mansour Sy Jamil est à la fois inextricable à toutes les vertus de l’Islam et très ouvert sur le reste du monde. Intellectuel fécond, grand conférencier double d’un fin pédagogue, « linguiste de profession, documentaliste et archiviste par la pratique», précise Cheikh Fall Médoune, il est contre toute forme de pression et d’oppression. Sa vision de l’Islam n’est donc ni dogmatique ni fanatique.

Mais ce n’est pas un homme « qui rechigne à payer de sa personne pour défendre les idées qui lui semblent juste », souligne le Pr Sémou Pathé Gucye. Pour Serigne Mansour Sy Jamil, l’Islam apporte chaque jour l’âme d’une nouvelle vie. L’Homme, enseigne-t-il, « est responsable de la sauvegarde du monde et la prière qu ‘il accomplit doit être source d’action.

Comme dans la perspective soufie. la mystique, doit éveiller en lui des forces capables de transformer la nature et la société pour les rendre plus humains». Aux Etats-Unis, il a animé une conférence pour apporter un éclairage sur un fait religieux qui étonne toujours l’Europe et l’Amérique en répondant à la question de savoir quel est le secret de la stabilité des pays où règne ce que l’Occident appelle Islam confrérique. C’est ce thème similaire qu’il aborde à l’Université et qui porte sur rôle des Confréries dans la stabilité politique et sociale du Sénégal .

Serigne Mansour Sy Jamil ne conçoit donc pas l’Islam sans liberté de conscience ni citoyenneté active. Son parcours de jeune dirigeant de mouvement étudiant, d’acteur de cinéma, puis d’expert international et aujourd’hui de guide religieux de la famille de Seydi Jamil, fait de lui un actif précieux dans les débats qui concerne la Ummah. Il refuse le ghetto des concepts et des dogmes. Il veut que l’Homme soit libre mais responsable, fervent, mais sans fanatisme. Lui-même est un exemple d’intellectuel et de chef religieux incapable d’agir avec fanatisme et précipitation. Il est gouverné par la foi, la logique et l’objectivité. Son esprit a parcouru toutes les sciences, exactes ou sociales, et visiter toutes les civilisations et toutes les sagesses. Sa conclusion est sans appel : l’Islam est une solution. Mais quel Islam ? C’est la question de toutes les actualités qui fait que son objectif est double : lutter pour restaurer l’image juste de l’Islam et engager la bataille citoyenne pour un Sénégal remis sur les rails.

Serigne Mansour Sy Djamil et le recteur de la Mosquée de Paris sur la Tidjaniya

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