3 décembre 2024
Ouest Foire Cite Alia Diene Lot 30
Contribution

Oumrah 2021 : L’amour du Sacrifice !!! (Par Sérigne Cheikh Oumar Sy Djamil)

Enfin ! J’ai pu obtenir un rendez vous pour le 8 décembre 2021 me permettant ainsi de faire ma Ziarra auprès du Prophète Mouhamed SAW à Médine et d’accomplir ma Oumra le même jour à la Mecque. 8 décembre vous vous en souvenez surement, c’est le jour d’anniversaire du rappel à Allah SWT de Serigne Moustapha Sy Djamil (8 Décembre 1993 au matin) et Serigne Mansour Sy Borom Daradji (8 Décembre 2012 au soir) ; deux personnes qui me sont chères à qui j’ai dédié mon petit pèlerinage de cette année. Une journée qui a débuté à 4 heures sept minutes lorsque je me réveillais pour préparer la prière du fadjr dans la mosquée de Seyidouna Mouhamed SAW. A 5 heures j’entrais déjà dans l’un des plus grands sanctuaires de l’Islam. Un chef d’œuvre architectural qui mélange modernisme et tradition.

Les vestiges du passé hégirien sont encore visibles dans cet espace géant qui au terme des travaux de rénovation en cours devrait s’étendre sur plus de 100 Ha entouré de plus de 40 portes avec une capacité d’accueil de près de 2 millions de personnes. Face à cette tradition savamment préservée et protégée par les gardiens de l’orthodoxie islamique, il existe une batterie de prouesses technologiques qui reconcilie ces nouveaux types de pèlerins avec le monde moderne dans lequel ils sont familiers. Un système de sonorisation haut de gamme, résonne jusque dans les chambres d’hôtel (pareil aussi pour la Mecque), amplifiant le moindre soupir de l’Imam Cheikh Abdourahmane Ali Hudhaayfee capable de bercer le plus incrédule des fidèles grâce à sa voix mélodieuse qui nous gratifiait de la sourate Az-Zumar (39) dans une éloquence et une clarté parfaite.

Le marbre au sol s’apparente à un tapis en laine de vison fraiche et douce. 250 parasols peuvent se plier et se déplier automatiquement au grès de l’intensité de la chaleur. Des équipements audiovisuels de dernière génération, retransmettent en direct les séances de prière dans les moindres déclinaisons. Un musée virtuel interactif retranscrit la vie du « Maître des lieux » SAW accompagnée d’une maquette 3D représentant les différentes maisons des compagnons du Prophète SAW telles qu’elles furent agencées il y a 1400 ans. Un vrai régal.

Après la prière du Fadjr et quelques invocations liturgiques nous voila dans l’enceinte du Rawda. Cette partie de la Mosquée dont Seyidouna Mouhamed SAW assure qu’elle est issue des Jardins du Paradis, est située entre la demeure du Dernier des Prophètes et le Minbar. A la fin de mes deux Rakaas toutes mes pensées se sont d’abord dirigées vers Serigne Moustapha Sy Djamil et Serigne Mansour Sy Borom Daradji. J’étais là à cet endroit précis jouxtant « Barrièrou Or bi » avec Serigne Mansour. Des moments difficiles à oublier. Tout a commencé à Fez au Maroc lorsqu’en Novembre 2006, Serigne Habib et moi sommes allés saluer Borom Daradji dans sa chambre d’hôtel, alors qu’il venait de passer le « Goudi Adjouma » au Mausolée Sidna Cheikh Ahmed Tidiane Cherif RTA. Au cours de notre entretien il me surprit par cette question qui traduisait en meme temps l’attention particulière qu’il portait sur la grande famille de Mame Maodo RTA : « Oumar as-tu déjà effectué le Grand Pèlerinage de la Mecque ». Je répondis non pas encore ! « Alors cette année Nous irons ensemble, je vais t’amener avec moi dans la délégation du Roi Mouhamed VI » répliqua-t-il.

Accompagner le Khalife Général des Tidianes pour mon premier pèlerinage à la Mecque, fut un honneur et un bonheur immense. Et je ne rêvais pas. Puisque le 20 Décembre 2006 une nouvelle page de ma courte histoire commençait à s’écrire en lettre d’or. Durant tout le voyage aux Lieux Saint de l’Islam Serigne Mansour ne cessait d’écrire sur le Prophète SAW, des poèmes d’une beauté exquise. Arrivé à Medine il ordonna à mon frère Serigne Mansour Sy Djamil d’aller lire toute cette production littéraire devant le Prophete Mouhamed SAW.

Le souvenir de cette générosité et le sens élevé de la bonté de Borom Daradji, m’ont extirpé de fragiles paupières de chaudes larmes en cette belle matinée du 8 décembre 2021, dans cet édifice mythique où chaque prière est récompensée pour mille.

Apres quelques tours de cache-cache avec les policiers saoudiens qui veulent voir tout le monde vider les lieux sans que je ne comprenne réellement les raisons de cette précipitation, je reviens à la charge, me tenant debout devant le Mausolée du Prophète SAW et de ses compagnons pour formuler des prières au profit du Sénégal tout entier. Dans l’après midi je mis cap sur la Mecque, après un détour à Bir Aly pour les besoins de la sacralisation en arborant fièrement le Armal composé de deux grandes serviettes conçues à cet effet, tout en formulant mon intention de faire la Oumra en l’honneur de Serigne Mansour Sy et Serigne Moustapha Sy Djamil. Avec tous mes bagages ce ne fut pas très commode de voyager ainsi dans ce train ultra moderne.

Mais la rapidité et la ponctualité (MCA) raccourcissant considérablement le temps de voyage entre Medine et la Mecque m’ont vite fait oublié un tel inconfort. Autour de tous ces pèlerins qui faisait la oumra en meme temps que moi, une seule notion me venait à l’esprit : l’amour du sacrifice. Pourquoi toutes ces personnes, toute race confondue, toute couche sociale confondue, toute nationalité confondue, vêtues d’une meme tenue ont tourné le dos au confort de la famille, des amis, des maisons pour se lancer dans la quête de cet idéal divin. La réponse à ma question se trouve à mon avis dans la vie qu’a mené Seydi Djamil durant toute la période qu’il a passée à Dakar, jusqu’au jour de sa disparition en 1993.

Ce n’était pas évident du tout. En 1959 il chercha à s’installer à Fass qui à l’époque ne fut qu’un champ marécageux d’Euphorbia (Salane en wolof) avec peu d’habitations. Lorsqu’il finit de construire sa maison sis à la Rue 22 bis Prolongée, il y resta d’abord trois jours sans donner signe de vie. Personne ni épouses, ni enfants, ni condisciples, ne savait où il se trouvait à l’exception de son neveu Serigne Bachir Ndiaye et de son bras droit Serigne Alassane Sow. A la sortie de cette retraite de Fass il fit appeler ses plus proches collaborateurs à l’instar de Hamidou Ndione, Ahmet Fall, Serigne Mor Ndiaye, Ibrahima Mbaye (père de Moustapha Mbaye qui chante "Yaa lééne Geune MOUHAMAD!!!") pour leur demander leur avis sur sa nouvelle acquisition.

Tout le monde fit très vite éclater sa joie sauf Serigne Mor Ndiaye qui jugeait que le Marabout qu’en tant que fils ainé de Serigne Babacar SY RTA, devait faire part aux talibés de son intention d’accomplir une telle réalisation et leur permettre d’y participer. Coïncidant avec le début des travaux de la Mosquée de Serigne Babacar Sy RTA, Seydi Djamil lui retorqua également qu’il voulait éviter que certaines personnes pensent qu’il voudrait retarder les travaux entamés à Tivaouane ou qu’elles puissent soupçonner que c’est l’argent de la collecte qui a servi à financer cet investissement.

C’est ainsi qu’en toute discrétion il a pu bâtir cette demeure où pendant plus de 30 ans il restait cloitrer entre un salon, une chambre et une salle de retraite spirituelle qu’il ne quitta que pour être inhumé le 8 Décembre 1993 à Fass Delorme, vers 17 heures, dans la cour avant de l’ancien bâtiment et pour l’éternité, par Mame Abdou Aziz Sy Dabakh accompagné de toute la famille de Elhadji Malick Sy RTA. Il est parti comme il a vécu dans la discrétion et la dignité. Et cela n’a jamais été facile. Ce même amour du sacrifice transparait également lorsqu’il répondit au Président Léopold Sédar Senghor : "Bayiléne ma ak sama Yalwanou talibé". (Je me suffis de ma pitance de Talibé). Ce dernier était venu lui proposer de lui octroyer un chèque en blanc pour ses dépenses personnelles. Il n’a jamais accepté ce chèque.

Nous ne pouvons que nous incliner devant la mémoire de ces illustres disparus réunis dans une même trajectoire temporelle. Ce 8 Décembre 2021 restera également gravé dans notre esprit. Obtenir le rendez vous à cette date n’était même pas facile au vu de la nouvelle règlementation en Arabie Saoudite en matière de pèlerinage. Tout est chamboulé par le COVID 19. Désormais un nouveau jargon est familier des pèlerins : Moqeem (formulaire à remplir avant de pouvoir enregistrer ses bagages à l’aéroport), Tawakalna (qui fournit un numéro d’identification doté d’un code QR, qu’on affiche sur son portable partout où on doit entrer), Eatmarna (une application qui permet de prendre rendez vous pour les rites de la Oumrah : ziarra au prophète, tawaf, oumrah, prière à la mosquée etc). Ce sont autant de formulaires électroniques qui permettent de suivre ces hadjis (pèlerins) et s’assurer qu’ils ne se baladent pas avec le virus. Des pèlerins 3.0 en quelque sorte.

Il s’y ajoute la force des nouvelles technologies qui a balayé d’un revers de main, beaucoup d’interdictions comme les prises de vue photographiques dans ces lieux saints. Aujourd’hui le Selfie est partout présent avec parfois la complicité de ces gardiens de la foi.

Cette nouvelle organisation du pèlerinage a fini de faire comprendre aux musulmans du monde entier qu’ils pouvaient se passer des scènes de bousculade, de piétinement, de sueur pour accomplir un rite qui peut parfaitement se faire dans l’ordre et la discipline. Pourvu que ça dure.

En voyant ce matin l’émoticône qui pleure collée sur la photo du chanteur Khalifa Samb j’ai aussitôt compris les raisons supplémentaires de ma tristesse inexpliquée d’hier. Avec Tonton Lamine Diack ak mboléne Dioulite bou djitou dji Yalla nalene Yalla Kharé Aldjana Firdawsi Thi barké Yonente bi SAW.

Merci infiniment Serigne Habib Sy Mansour d’avoir organisé et facilité ce voyage qui s’est déroulé dans d’excellentes conditions MCA. Yalla nala Yalla Faye Yiw thi barké Seyidouna Mouhamad SAW.

Cheikh Oumar Sy Djamil
Makkah le 9 Décembre 2021

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