C’était une nuit du 1er Moharram, une nuit de l’an pas comme les autres, un mois sacré pas comme les autres
C’était une nuit de vendredi, une nuit de dévotion pas comme les autres.
Un événement majeur se préparait dans le secret de Dieu,
A l’Assemblée des Elus, les anges s’apprêtaient à recevoir un hôte de marque.
Il venait de boucler 90 ans de mission ininterrompue sur terre et comme il avait annoncé une semaine plutôt, les devanciers le réclamaient parmi eux car ils étaient convaincus qu’Al Amine, le digne de confiance, avait parachevé les missions qu’ils lui avaient confiées dans ce bas-monde.
Il venait de boucler vingt jours d’alitement et sentant son départ prochain, avait réclamé ses enfants à son chevet. Peut-être pour compenser tant soi peu, toute une vie de privation pour sa progéniture au service de l’humanité toute entière.
Il le savait, nous le savions, il était en mission sur terre et nous l’avons accepté.
Il le savait, nous le savions, il allait nous quitter sous peu, mais nous refusions d’y croire tant sa sérénité devant la mort était déconcertante et rassurante à la fois.
Sentant la fin proche, nous nous accrochions à un dernier espoir pour continuer à vivre cette proximité.
Chaque jour représentait une éternité et que n’aurions-nous pas donné pour pérenniser ces derniers instants d’une vie comblée ?
En cette nuit du 1er Moharram, j’avais le cœur gros et la tête vide avec un sentiment schizophrène de malaise et de satisfaction.
Ce sentiment que nous n’arrivons pas à décrire car inédit dans notre courte expérience de la vie.
Malaise de voir s’écourter ce bonheur de vivre les derniers jours avec un homme d’une dimension sociale et spirituelle incommensurable,
Mais satisfaction du devoir accompli pour un missionnaire de l’universel.
Subitement le verset 155 de la Sourate 2 nous inspire : « Très certainement, nous vous éprouverons par un peu de peur, de faim, et de diminution de biens, de personnes et de fruits. Et fais la bonne annonce aux endurants ».
Cette traduction approximative du Livre Saint ne me semble pas assez explicite des circonstances.
L’arbre a perdu une de ses plus grosses branches sur laquelle s’agrippaient les fruits mûrs dont le jus étanchait notre soif et la chair nourrissait notre âme de sa spiritualité.
En s’affaissant, la branche a défié les lois de la gravité en remontant vers les cieux pour aller rejoindre l’Assemblée des Sages.
La bonne annonce est qu’une grande cérémonie de bienvenue est organisée en son honneur par le Saint des Saints avec au premier rang le Pôle Caché accompagné de ses Khoulafa.
Cette bonne nouvelle conforte notre endurance à supporter ce sentiment à l’origine indescriptible et qui se mue en délivrance.
Nous avons perdu un homme qui a bien rempli son temps et a vécu d’une vie utile.
Al Amine était un homme sérieux qui a tout fait avec abnégation. Le fameux « Yitté » est un mot qu’il affectionnait car il était exigeant avec lui-même mais aussi avec son entourage.
Al Amine était un homme sincère qui honnit la trahison. Quand il s’engage pour une cause, il va jusqu’au bout.
Al Amine était un homme transparent, car ll n’avait rien à cacher ni aux hommes ni à son Seigneur
Al Amine était un homme de conviction qui ne cherche pas à plaire dans ce bas-monde mais plutôt à son Seigneur.
Al Amine était un homme généreux qui a tout donné jusqu’à son dernier souffle.
A ses fils spirituels et biologiques, il a légué un héritage lourd à porter tellement il a su mettre la barre très haut.
Mais de l’au-delà, il continue de guider nos pas par ses enseignements.
Qu’Allah lui accorde les bienfaits du paradis et nous gratifie de sa Baraka.
Amine, Al AMINE
Par Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Ibn Al Amine
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