22 novembre 2024
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Entretien avec Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Jr, Symposium du Maouloud : « Les penseurs musulmans ont l’obligation de relever les défis intellectuels et géopolitiques du 21e siècle »

Vous êtes le Président du Comité scientifique, quel est le sens d’un Symposium en prélude du Gamou de Tivaouane?

C’est Paul Marty qui disait, au début du 20e siècle que l’école de Cheikh El Hadji Malick Sy est une véritable « université populaire ». De ce fait, ce Symposium de samedi 12 janvier s’inscrit dans le cadre de cette tradition de toujours à faire du Gamou une occasion de revenir sur le modèle prophétique, les enseignements de l’islam et y puiser un certain viatique pour nos sociétés et surtout notre jeunesse en quête de spiritualité mais aussi de savoirs. Cela nous préoccupe d’autant plus que nous sommes dans un marché globalisé de la pensée où circulent doctrines et idéologies et je dis souvent que le monde musulman ne doit pas trainer les pieds dans ce vaste mouvement de production de la pensée si nous ne voulons pas que nos sociétés ne soient de simples consommateurs. Les penseurs musulmans ont donc une obligation de relever les défis intellectuels et géopolitiques du 21esiècle. Et ce symposium était pour nous une manière de leur offrir un cadre propice de dialogue et d’échanges à cet effet

Le thème choisi peut surprendre pourtant … puisque vous parlez de renouveau et de réforme

Cela ne surprendra pas ceux qui ont un tant soit peu de connaissance de la Tijâniyya, confrérie née surtout pour relever un défi spirituel majeur et dont le destin a toujours été de devoir affronter les difficultés de son temps par une réconciliation entre spiritualité et un véritable engagement sociétal. C’est d’ailleurs cette rupture qui fait qu’elle catalyse le message de l’Islam dans sa globalité et son universalité. Un simple aperçu des développements contenus dans le Kifâyat ar-râghibîn de Seydi El Hadji Malick Sy renseigne sur la dimension rénovatrice de son enseignement avec une dose de critique sociale qui pouvait surprendre à son époque. Vous savez Serigne Babacar Sy parle bien de « tarbiyyat al-himma » et de « hâl » dans le sens d’une matérialisation de cette volonté de l’homme Tidiane devant affronter les réalités et les obstacles de son temps tout en excellant dans sa vie spirituelle. Parti des enseignements d’une telle tarîqa, il était important pour le Comité scientifique de poser le questionnement qui guidera nos réflexions durant ce symposium. Je veux dire tout simplement que nous ne devons pas être en marge des grandes réflexions qui s’imposent à notre époque… Dèja, dans les années 1960, Serigne Cheikh Ahmed Tidiane Sy Al-Maktoum ce penseur avant-gardiste, avait intégré ces notions modernes dans sa conception d’une civilisation universelle et appelait à ce que l’islam et les Musulmans y contribuent à la mesure de la pertinence du message de Mouhammad (PSL). Rien d’étonnant qu’un Symposium du Maouloud y revienne alors

Quels sont ces défis auxquels vous cherchez des réponses durant vos travaux ?

Comme clairement stipulé dans les termes de références du Symposium, nous avons ciblé les défis du savoir – le savoir englobant ici savoir-faire et savoir être. Ainsi, nous reviendrons sur le legs de nos penseurs tels que Cheikh El Hadji Malick Sy qui, en réalité, a été un intellectuel rénovateur ayant marqué son époque. Mais nous élargirons la réflexion sur les voies possibles, pour le monde musulman, de relever les défis liés à l’accès aux savoirs et les nouveaux enjeux introduits par les avancées technologiques. C’est dans ce sens qu’il y aurait une nécessité de réforme de nos modes d’appréhender le savoir et la connaissance à une période où ils sont marqués par une forte démocratisation mais habités, en même temps, par une concurrence en termes de la transmission de valeurs concurrentes pour ne pas dire, quelques fois, en choc. Je crois que de tels sujets ne doivent plus échapper à l’attention des penseurs musulmans. Leur responsabilité est énorme et il est temps qu’ils l’assument. Les autres défis sont corollaires à celui du savoir. Il s’agit de ceux de la citoyenneté et de la gouvernance politique et économique…

Justement que dire de ces défis de la gouvernance politique et économique ?

Lorsque j’entends l’usage aujourd’hui presque redondant du concept de « bonne gouvernance » ou de « gouvernance vertueuse », je pense nécessairement à l’expression d’Al- Farabi qui parlait de « cité vertueuse » (Al-Madîna al-Fâdila en arabe).

Malheureusement, aujourd’hui, avec la manière dont l’image de l’islam est rendue plus problématique à cause de certains courants obscurantistes, une forme d’autoritarisme et même de déni de justice se sont largement imposés, dans la pratique, aux antipodes du modèle prophétique tel que décrit par Cheikh El Hadji Malick Sy. Pour nous, c’est à cette source de valeurs qu’il conviendrait de revenir d’autant plus qu’elle offre, par-dessus tout, la garantie d’une pureté éternelle. Comme le dit Cheikh El Hadji Malick Sy dans sa Qacîda appelée Nûniyya : Matâ mâ dâna Bahrouki, min koudourin fa saafin salsaloun bahroul amîni. Mais notre Symposium sera aussi l’occasion de revisiter la charte de gouvernance des Almamy du Fouta, par exemple, afin d’en qu’elle soit pour les gouvernants actuels une source d’inspiration. Pourquoi pas remonter à celle Kurukan Fuga, la charte du Mandé, pour rappeler que l’Afrique a aussi ses repères ; il lui faut simplement qu’elle les retrouve…

C’est si ambitieux, mais êtes-vous optimistes sur les retombées d’un tel évènement ?

Je pourrais l’être si ce message arrivait à être revivifié dans toutes ses dimensions, et, à l’issue de ces discussions, libéré des préjugés, des contre-vérités comme des amalgames. A partir de ce moment on pourra considérer les résultats de nos travaux comme la base d’un début de refondation qui ne pourrait être que salutaire.

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