C’est la première fois qu’un Khalife général de la Fayda tidianya effectue une visite officielle à Dakar. Quelle signification lui en donnez-vous ?
Je viens à Dakar sur invitation des disciples de Cheikh Ibrahima Niass « Baye », dont l’association « Jamhiyatu Ansârud-Dîn ». Nous sommes tous des Sénégalais. Je suis un Sénégalais habitant à Kaolack et vous (les journalistes du quotidien « Le Soleil ») êtes des Sénégalais résidant à Dakar. Et nous devons nous connaître, créer des liens fraternels pour faire face aux défis de notre temps. Il est important que nous sachions ce qui nous unit et ce que nous devons et voulons faire de cette communauté de sentiments et d’idées, au-delà même des appartenances. J’inscris cette visite dans cette optique. Nous devons être en mesure de montrer que le Sénégal est un pays capable de se prendre en charge pour se construire, se fabriquer un destin meilleur. Une seule personne ne pourrait y arriver. Un groupe non plus. Agissons en synergie, mobilisons nos énergies et nos intelligences en créant des cadres d’échanges. C’est pourquoi j’ai répondu à l’appel des disciples de Baye Niass qui ont ce dernier comme mémoire et référence pour réaliser notre destin commun. Cheikh Ibrahima a réfléchi sur toutes les questions destinées au bien-être de l’humain et de la communauté, au développement qui ne saurait précéder la connaissance. Pour lui, celle-ci doit guider nos actions. Nous voulons que Cheikh Ibrahima soit la mémoire vers laquelle nous nous tournons pour donner une définition à notre existence terrestre et de celle-ci on ne peut exclure le Sénégal dont le sort est une préoccupation majeure pour nous. Je ne viens pas à Dakar pour le folklore, pour une manifestation mondaine, ou pour ma propre personne. Nous voulons voir avec nos atouts comment faire pour construire notre patrie en tirant parti du potentiel de chacun de nous.
La « Jamhiyatu Ansârud-Dîn » a beaucoup contribué à votre venue à Dakar. Que pouvez-vous dire de cette association ?
Son nom rend compte de sa mission essentielle. C’est une association qui s’emploie à servir l’Islam par la diffusion de la connaissance, l’édification de mosquées, l’appel islamique, la coopération avec les musulmans du monde entier… Elle s’illustre également dans la solidarité, l’entraide. Elle exalte, à travers sa mission, les vertus de la religion musulmane et contribue donc à son rayonnement sans en attendre une quelconque rétribution autre que les grâces du Seigneur. La religion englobe la vie, l’humain, car allant au-delà du rite sacré, chaque communauté de foi a sa compréhension de la religion. Chacun, dans sa foi, pense que c’est sa religion qui peut mener l’homme à la paix intérieure, au bonheur serein. Puisque Cheikh Al Islam considère l’Islam comme la religion la plus aboutie, qui préserve l’homme dans cette existence terrestre et à l’au-delà, nous avons choisi cette voie.
Si vous deviez nous décrire Cheikh Ibrahima Niass, que diriez-vous ?
Je dirai tout simplement qu’il est un Sénégalais comme vous et moi. Il a trouvé son père, Cheikh Abdoulaye Niass, sur la voie de la vertu, de la quête du savoir et de la transmission. Celui-ci, qui a combattu le colonisateur français, aimait à dire que Cheikh Ibrahima Niass a pris l’ascendant sur nous par la connaissance. Il nous conseillait d’aller à la quête du savoir pour que le colonisateur quitte notre patrie sans qu’on ait besoin de le combattre. Cheikh Al Islam a également toujours incité sa descendance et ceux qui sont avec lui à aller à la quête du savoir pour être des hommes libres prenant leur destin en main. Mame Abdoulaye Niass disait que toutes les connaissances sont utiles, mais il a choisi celles-là islamiques pour son existence terrestre et l’au-delà. C’est pourquoi Cheikh Ibrahima Niass a mis l’accent sur l’instruction et l’éducation de l’humain.
La Fayda est une expression souvent utilisée par la communauté niassène. Que signifie-t-elle ?
À un homme qui lui posait la même question, Cheikh Ibrahima Niass répondit ceci : « La Fayda, c’est un puits plein d’eau et duquel un homme vigoureux et inépuisable puise de l’eau pour une assemblée désirant remplir des bassines. Et il les approvisionne sans geindre parce que sa source est intarissable et ses ressources illimitées ». La Fayda est un flot de grâces divines qui envahit l’adepte. C’est la plénitude dont peuvent jouir aussi les autres. Cheikh Ahmed Tidiane, fondateur de la Tarîqa Tidiane, qui connaît mieux que quiconque cette confrérie, l’avait prédit. Il en connaît les bienfaits et a donné des signes. Cheikh Ahmed Tidiane Chérif avait prédit, avant sa disparition, que l’effluve viendra avec un de ses disciples au moment où le monde est exposé aux périls. À travers ce disciple, plusieurs groupes entreront dans la confrérie tidiane. Ce n’est pas Cheikh Ibrahima qui a été le premier à dire qu’il est ce disciple prédit par Cheikh Ahmed Tidiane. Il y a des Mauritaniens et bien d’autres qui en avaient la prétention. Le « Sahibul Fayda », c’est une grâce féconde qui irradie vers les autres, qui irrigue les âmes. Aujourd’hui, le nombre de ses adeptes dans le monde et leurs origines diverses montrent que la prophétie de Cheikh Ahmed Tidiane Chérif s’est accomplie à travers le destin de Cheikh Ibrahima. Aujourd’hui, on parle de plus de 400 millions de disciples de Baye Niass dans le monde. C’est assez révélateur. Nous n’en tirons aucune fierté personnelle. C’est la volonté du Seigneur qui s’est accomplie.
En tant que Khalife général de la Fayda tidianiya, quels sont vos projets ?
Je dis souvent que je ne me considère pas comme un Khalife, je suis un Khadim (serviteur) ou j’aspire à l’être comme toutes ces braves personnes qui nous accompagnent dans cette mission. Mes projets épousent la pensée et l’action de Cheikh Ibrahima. Celui-ci était un travailleur. Il allait au champ pour cultiver. Il avait l’une des meilleures productions agricoles du Sénégal. De mon point de vue, cela devrait inspirer les Sénégalais, nous inspirer. Au Sénégal, nous avons des ressources humaines importantes. On peut en dire autant des disciples de Cheikh Al Islam. Est-ce que cette énergie doit être utilisée uniquement pour faire des prêches, des zikr… ? Ou doit-on l’employer pour la transformer en opportunités économiques, sociales… ? Je pense qu’on peut le faire. Chez les disciples de Baye Niass, on trouve des ingénieurs, des journalistes, des philosophes, des informaticiens… avec une très grande expérience. Ces ressources doivent être utiles au Sénégal. Je m’y emploie quotidiennement. Nous sommes un pays en voie de développement, et l’agriculture est essentielle pour améliorer le sort des Sénégalais, relever l’économie du pays, donner de l’espoir aux jeunes. Pour l’instant, nous n’avons que l’agriculture pour changer la donne, pour aspirer à des lendemains meilleurs. La terre, c’est notre richesse. Au Sénégal, on aime le bricolage, la facilité et la patience n’est pas notre fort. On préfère disserter sur des futilités, entretenir des querelles inutiles. Mobilisons nos énergies, nos intelligences pour inciter les Sénégalais à travailler, à leur faire comprendre que l’on y arrivera que par le travail.
Les gens dissertent sur votre style décontracté, sans trop de protocole. D’ailleurs, pour les besoins de cette interview, on vous a trouvé assis dehors, devant votre maison, entouré de quelques-uns de vos proches et talibés, sobrement vêtu. La simplicité est-elle un idéale de vie pour vous ?
Je suis avant tout « ndongo daara », un produit de l’école coranique. Le paraître, le style fleuri et les habits de gala n’ont jamais été une préoccupation pour moi, même s’il faut s’habiller correctement et décemment. C’est mon style. J’ai toujours été ainsi. Cheikh Ibrahima Niass me disait souvent ceci : « Mahi, il faut privilégier un habillement adapté à ta petite silhouette » ! Un jour, il m’a offert un beau boubou. Après l’avoir enfilé, je suis passé devant lui alors qu’il était assis sous sa tente. Ne m’ayant pas reconnu, il a demandé à un de ses disciples, Omar Kata, « c’est qui celui-là ». Surpris de savoir que c’était moi, il s’exclama ainsi : « Donc, il sait s’habiller élégamment » ! Je n’ai jamais été porté sur les mondanités. Le « je suis, je suis », « le moi » est indisposant. Ce n’est pas bien. Quand j’étais jeune, je n’étais préoccupé que par la quête du savoir, par la volonté ardente de saisir le message de Baye Niass. L’argent ne m’a jamais non plus obnubilé. La quête de connaissances et Cheikh Al Islam sont les moteurs de ma vie. Mais demain, quand je serai à Dakar, je vais me faire beau (rire) !
Vous voulez rendre hommage à ceux-là qui ont construit la grande mosquée de Médina Baye. Quelle est la portée de cette action ?
Un homme sans mémoire n’a pas de repère ni de référence. Quand Cheikh Ibrahima a voulu entreprendre l’extension de la mosquée de Médina Baye, il s’est tourné vers les disciples. Mais il a dit qu’il voulait que ses homonymes soient les premiers à répondre à son invite. Ils ont passé une bonne partie de leur vie, dans le plus grand dévouement, à œuvrer pour la concrétisation de ce projet de leur guide. Certains y ont même laissé leur vie. Si on oublie ces âmes dévouées et leur belle contribution, cela voudra dire que l’on n’a pas de mémoire. Il faut les célébrer, raviver ces souvenirs qui ne doivent pas être oblitérés par le temps. Leur œuvre est immense. Seul Dieu est en mesure de la rétribuer.
L’Afrique et le reste du monde traversent des moments difficiles avec des conflits, l’instabilité politique, la pandémie de Covid -9, la crise économique… Quelle lecture en faites-vous ?
Ce sont des faits auxquels nous sommes confrontés. Nous prions que le monde s’en débarrasse, que nous ayons la paix des cœurs. Quand la Covid-19 s’est déclarée au Sénégal, et surtout au plus fort de la pandémie, nous avons joué notre partition à notre manière. Chaque jour, nous procédons à la lecture intégrale du Coran en priant que le Bon Dieu aide surtout nos médecins qui sont au front à vaincre cette maladie pour le bien de tous nos compatriotes. Nous n’avons jamais cessé de prier. Aujourd’hui, nous pouvons rendre grâce Dieu parce que la maladie est en net recul même s’il faut continuer à être vigilant. Personne ne remet en doute le travail des médecins, mais ils avaient besoin des prières de tous les Sénégalais pour qu’ils réussissent leur mission qui était de lutter contre cette pandémie. Pour ce qui est des tensions politiques, vu l’enchaînement des choses, nous avons l’impression que les acteurs politiques du Sénégal, qu’ils soient du pouvoir ou de l’opposition, ne connaissent pas l’essence de la politique. Pour eux, tout semble se résumer à occuper postes et sinécures, à conquérir le pouvoir alors que la politique, dans le vrai sens du terme, consiste à se battre pour les intérêts communs, à apporter des solutions aux préoccupations des populations, à leur construire une vie meilleure. Tous les acteurs politiques confondus prétendent défendre cet idéal, mais à y regarder de plus près, ce n’est vraiment pas le cas. Comme le disait un de mes professeurs au Maroc, les Africains se sont battus pour l’indépendance et une fois celle-ci acquise, parfois de haute lutte, ils ont oublié pourquoi ils se battaient pour cette indépendance. C’est pour dire que nos politiciens tiennent souvent de beaux discours, prennent beaucoup d’engagements, mais nous avons l’impression que ce n’est pas toujours en phase avec la réalité que vivent les populations. À mon avis, nous devons penser le Sénégal dans sa globalité en tenant compte des préoccupations et attentes de tous et de tous les recoins du pays qui manquent d’eau, d’électricité, d’infrastructures sanitaires fonctionnelles, mais aussi du devenir du Sénégalais né aujourd’hui. Donc action et projection. Ce n’est pas pour jeter la pierre aux politiciens, je les respecte beaucoup, pouvoir comme opposition, mais j’ai l’impression qu’ils n’ont pas encore pris la bonne voie qui devrait développer le Sénégal à la hauteur de nos ambitions et de nos aspirations. Et Dieu sait que nous avons les moyens de faire avancer les choses. En matière de ressources humaines, nous ne nous plaignons pas, le Sénégalais est intelligent. Nous avons des concitoyens qualifiés dans beaucoup de domaines à travers le monde. Nous avons assez d’intelligences pour comprendre et analyser les dynamiques du monde, mais quand il s’agit de passer à l’action, une certaine paresse semble nous frapper. Nous préférons la facilité, en ne faisant le moindre effort possible, passant notre temps à débattre du matin au soir sur des sujets qui n’intéressent pas forcément les Sénégalais. Est-ce qu’il reste assez de terres arables au Sénégal ? Si oui, comment les mettre en valeur au bénéfice de l’ensemble des Sénégalais ? Comment convaincre et aider les Sénégalais à s’investir dans l’agriculture ? Comment les rendre autonomes pour qu’ils ne soient plus obligés d’attendre un geste d’un homme politique ou un autre pour survivre ? Voilà, par exemple, des problématiques dignes d’alimenter le débat.
Un débat entre les partisans d’un Islam soufi et un autre dit salafiste a défrayé la chronique ces derniers temps. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Ceux qui sont contre les soufis, surtout contre nos grands guides religieux comme El Hadji Oumar Tall, El Hadji Abdoulaye Niass, El Hadji Malick Sy, Cheikh Ahmadou Bamba Mbacké…doivent se rappeler du contexte dans lequel ces derniers se battaient pour que l’Islam reste debout au Sénégal face aux colonisateurs qui faisaient tout pour freiner l’expansion de notre religion. Ils doivent se rappeler des brimades, privations et souffrances qu’ils ont subies. Ils ont été exilés, pourchassés pour réduire à néant ce qu’ils avaient commencé à bâtir pour un Islam fort au Sénégal. Ces guides religieux étaient seuls au front face à un adversaire déterminé à réduire notre religion à néant. Mais armés de leur foi en Islam et de leur détermination, ils ont combattu les colons. Et chacun y est allé avec la stratégie qui était la sienne. Il ne faut pas l’oublier, quand on se bat contre un adversaire plus fort, il faut user de subterfuges, de stratégies pour arriver à ses fins. Par exemple, certains soutiennent que le Gamou c’est du « bidâ » (innovation). Je peux le leur concéder, mais il faut qu’on soit d’accord sur la nature de ce « bidâ ». Nos guides religieux y ont fait recours pour des raisons nobles : l’expansion de l’Islam. En effet, à l’époque, nous n’avions pas assez d’écoles coraniques pour propager le message de l’Islam. Seuls ces rassemblements leur offraient la possibilité de le véhiculer et de retracer la vie et l’œuvre de son Prophète (Psl) ainsi que de ses compagnons, de transmettre les enseignements de cette religion. À l’époque, il existait des Gamous, mais cela n’avait rien de religieux, c’était du paganisme. Etant donné que le mot « Gamou » était synonyme de rassemblement chez les populations, nos guides religieux ont décidé de conserver le nom, mais en changeant foncièrement le contenu qui n’est plus d’essence païenne mais religieuse. En appelant ainsi les gens à venir à ce nouveau type de Gamou, ils réussissaient ensuite à en convertir beaucoup grâce aux messages qu’ils délivraient à cette occasion. Donc, le Gamou était pour nos guides religieux une stratégie pour répandre l’Islam au Sénégal. Cela n’a rien à voir avec la connotation que certains veulent lui donner de nos jours. Je n’ai rien contre ceux qui brocardent les soufis, mais il serait bien que nous apprenions à respecter notre passé et le rôle éminemment crucial joué par nos guides religieux pour que l’Islam s’installe et se répande au Sénégal. Toutes les confréries du Sénégal visent la même chose : rassembler les gens autour de l’Islam dans une ambiance d’entente cordiale, de convivialité, de paix, de respect mutuel.
Avant les indépendances, existait un Conseil supérieur des chefs religieux musulmans du Sénégal. Ne serait-il pas aujourd’hui nécessaire de le ressusciter pour en faire un cadre d’échanges qui réunirait toutes les sensibilités ?
Effectivement, il existait, entre 1958 et 1959, le Conseil supérieur des chefs religieux musulmans du Sénégal. Cheikh Al Islam El Hadji Ibrahima Niass, Serigne Abdoul Aziz Sy « Dabakh » et bien d’autres furent parmi ceux qui se sont battus pour que ce Conseil voie le jour. Ressusciter cette structure, aujourd’hui, ne me semble pas possible. Quelqu’un est déjà venu me le proposer, mais je lui ai répondu que ceux qui avaient conduit à son éclatement, pour des intérêts politiques, sont toujours là. Donc si on remet en place ce Conseil, les mêmes intérêts politiques qui l’avaient disloqué à l’époque referont jour et conduiront à sa perte. Il y a des forces, des gens qui n’ont pas intérêt à voir au Sénégal une structure forte de défense de l’Islam. Donc quand ils verront que les chefs religieux veulent reformer ce cadre unitaire, ils manœuvreront pour qu’il ne voit jamais le jour. D’autant plus que, vu le contexte sous-régional, il est encore plus facile pour eux de semer la discorde aujourd’hui entre les chefs religieux que par le passé. Moi, je suis un soufi, j’y suis né, mais je ne m’en suis pas contenté. Je suis allé élargir mes connaissances, savoirs et recherches sur ce courant et cela m’a conforté dans cette appartenance. Parce que, comme philosophie, le soufisme ce n’est rien d’autre que la sincérité dans ce que l’on fait avec comme finalité la quête du salut et de la grâce de Dieu. Tout autre chemin nous éloigne de la voie qui mène à cette aspiration. Le soufi, c’est aussi la discipline et la quête de Dieu à travers des guides. Un vrai guide soufi apprend au disciple à se prendre en charge lui-même, en le responsabilisant sur les allées qui mènent à Allah. Bref, le soufisme c’est éduquer l’individu, en le réconciliant avec lui-même et avec son Seigneur.
Que pensez-vous de l’extrémisme religieux et du terrorisme ?
Vous savez, ces termes sont connotés et créés par les Occidentaux. Mais c’est loin d’être l’Islam. Nous sommes dans un monde très agité. Des gens cherchent aujourd’hui à créer une nouvelle religion appelée « Ibrahimite » ou « Ibrahimiya » qui serait le condensé des trois religions révélées que sont le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam. Ils partent de leur propre constat qui veut que ces trois religions-là ont échoué dans leur mission et que donc cette nouvelle religion, ouvertes à toutes les sensibilités religieuses, aura comme ambition de pacifier le monde. Quand on m’a demandé mon avis, j’ai répondu qu’on ne peut pas appeler cela « religion » parce que quand on parle de religion, automatiquement ses adhérents penseraient à celle à laquelle ils appartenaient à l’origine. Pourquoi « Ibrahimiya », du nom du Prophète Ibrahima parce que ce dernier est la source des trois religions révélées. Les ambitions des porteurs de ce projet, c’est de diluer ou de réduire l’influence du Judaïsme, du Christianisme et de l’Islam dans cette nouvelle grande religion. Les Nations unies adhèrent à cette idée et entendent la vulgariser dans le monde. Les Occidentaux ont réussi à embarquer des musulmans dans ce projet. Tout ceci a pour objectif de détourner les gens de leur croyance, de créer de nouveaux types de croyants qu’ils pourront conditionner à leur guise. Pour en revenir aux intégristes qui écument le Nigéria, le Burkina, le Mali, la bande sahélo-saharienne, il faut bien se demander qui les finance. D’où tirent-t-ils tout cet argent qui leur permet d’acheter ces armes sophistiquées ? Qui leur balise le chemin pour atteindre leurs cibles ? De sévir là où ils veulent et quand ils veulent avec autant de facilité ? Pour des gens qui habitent dans des pays africains pauvres, réussir à avoir de tels armements, ça suscite forcément des questionnements.
Votre arrivée à Dakar coïncide avec une certaine fièvre dans l’espace politique. Quel message adressez-vous aux acteurs politiques et aux populations en direction des élections territoriales de janvier prochain ?
Le peuple sénégalais doit revisiter ce qu’est la politique. Nous ne pouvons pas comprendre que les plus grandes tensions au Sénégal ne surviennent qu’en période électorale ou aient des relents politiques. La question politique ne doit pas rythmer la vie des Sénégalais. Il y a un Sénégal avant et après les élections et nous aspirons à vivre dans la paix et la sérénité. Il faut que nous apprenions à encourager les Sénégalais et surtout les jeunes dans des initiatives et actions qui leur profitent et profitent à tout le pays au lieu de les inciter à descendre dans la rue, à s’affronter, à saccager, jusqu’à ce que des vies tombent. La politique au Sénégal doit-elle se limiter à cela ? Non. Il faut en revenir aux fondamentaux de la politique : choisir par les urnes les hommes en qui nous avons confiance. Personnellement, je respecte les institutions du pays. Je respecte le Président de la République, non pas forcément sa personne, mais par rapport à ce qu’il incarne. Et c’est en cela que je prie pour qu’il réussisse à la tête du pays. Jusqu’au policier dans nos rues, en tant qu’institution, je lui voue beaucoup de respect parce qu’il représente l’Etat. Baye Niass nous disait souvent qu’être en bons termes avec ton chef de quartier vaut mieux que l’être avec le Ministre de l’Intérieur parce que le premier cité est plus proche de toi quand un problème se présente. Pour dire que tous ceux qui se trouvent dans notre environnement proche et qui incarnent l’Etat méritent respect et considération de notre part. Maintenant, une fois que l’heure des choix arrive, chacun pourra aller voter pour celui qu’il veut élire dans le respect des règles démocratiques. La façon dont on cherche actuellement à accéder au pouvoir ne nous produira pas forcément un leader à la hauteur de nos aspirations. Parce que ceux à qui on demande de descendre dans la rue, d’insulter et de se battre, ce sont les mêmes qui, demain, seront aux affaires et donc perpétueront les mêmes pratiques. Pour dire donc qu’on risque de ne rien apporter de nouveau à la construction du Sénégal de demain.
De son vivant, Cheikh Ibrahima Niass a eu à prendre position pour la paix en Palestine, la sauvegarde de Bayt Al Maqdis (Jérusalem) et la jouissance du peuple palestinien de ses droits inaliénables sur sa terre. Cet héritage est-il bien préservé ?
Medina Baye continue d’avoir la même posture, rien n’y a changé. À chaque Gamou, nous invitons les Palestiniens et nous leur offrons une tribune pour faire entendre leur discours. Ils étaient ici il n’y a pas longtemps. Seulement, les choses ont évolué sur le plan national et international. Le contexte des années 1970 n’est plus le même que celui d’aujourd’hui. Les données ont changé, mais notre position reste la même pour le peuple palestinien.
Entretien réalisé par : Elhadji Ibrahima THIAM, Le Soleil.
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