24 novembre 2024
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Contribution

CONTRIBUTION : El Hadji Abdoul Aziz SY ou l’humilité incarnée

Il y a déjà quize annés, le décret divin signait le rappel au Seigneur de la miséricorde, de son humble serviteur, le dépositaire suprême de l’initiation à l’ordre tidjâni. Cette sympathique figure à laquelle toute une nation eut le bonheur de s’identifier et de s’attacher, s’en allait de ce bas monde rejoindre son créateur, exalté soit-il ! Il avait tellement marqué son passage sur notre planète que lorsqu’on se décide à écrire sur lui, on n’a que l’embarras : tant sa vie fut riche de multiples facettes. Mais comme qui trop embrasse mal étreint, nous nous contenterons de surligner quelques unes de ses qualités morales intrinsèques.

Rappelons d’emblée que son accession à la dignité de premier serviteur de la hadara fut, s’il en était, une véritable gageure. En effet, il succédait à un homme d’un charisme hors du commun, la merveille de son temps, celui qui fascinait les esprits et subjuguait les âmes au point de paraître irremplaçable. Mais par sa baraka, et par les provisions et viatiques qu’il lui laissa, son frère et disciple put mériter amplement du maître et, c’est sûr, susciter sa fierté, depuis l’inter monde (barzâq) où il séjourne.

Il s’employa d’abord, avec une patience rare, à refaire l’unité d’une communauté sapée par les aveuglements et les passions d’inspirations démoniaques. Il réussit ainsi, au fil du temps à vaincre les réticences et les préjugés et parvint à faire l’unanimité autour de sa personne. Mieux encore, il sut transcender les clivages de toutes sortes : sociales, religieuses, confrériques et devint un repère et un recours, le patriarche qui pansait les plaies de tous, l’être le plus disponible de tous ; bref, un patrimoine national.

Si El Hadji Abdoul Aziz Sy Dabbagh-car c’est de lui qu’il s’agit- s’était rendu capable d’un tel résultat, c’est sans aucun doute pour s’être drapé des vertus et valeurs cardinales des anciens, singulièrement, celle de l’humilité. Ainsi, il se fit disciple plutôt que fils d’El Hadji Malick SY. On en trouve maintes preuves dans sa vie, dans ses dires comme dans ses écrits. Dans ces deux vers d’un poème en hommage au fondateur de l’université populaire de Tivaouane, il l’interpelle en ces termes:

« Ayâ sayyidî hâlî wa shayhî wa wâlidî malâzî wa husnî murshidî bal wa qudwatî
Ilâ-l- mâlikî-l ma’bûdi jalâ jalâlahu wa afdalu mabhûsin ilâ hayri ummatin

Oh mon seigneur et oncle, mon maître et père mon refuge et rempart, mon guide mais surtout mon modèle
Vers le Seigneur adoré Magnifique est Sa grandeur et le meilleur envoyé à la meilleure communauté »

Et quelques vers plus loin, il atteste de l’authenticité de son califat et exprime ses espoirs que par sa grâce à lui El Hadji Malick SY, son disciple Abdoul Aziz SY parvienne à ses fins dans la dissipation de ses peines et soucis.

Il fit montre du même état d’esprit à l’endroit de ses frères aînés et accepta leur guidance spirituelle: Serigne Babacar et El Hadji Mansour, dont il clame la maîtrise spirituelle dans maints poèmes qu’il leur a dédiés. Il les considéra comme des pères et non des pairs, non de simples aînés mais plutôt des maîtres au service desquels il se fit un devoir de s’engager, sans calcul ni retenue. Il en fut de même dans ses rapports avec les disciples de Seydi El hadji Malick SY qu’étaient Serigne Hady, El Hadji Thierno Seydou Nourou, Mame Rawane entre autres. Ayant été à bonne école, il se montra bon élève et en homme de mission et non d’ambition, il ne se reconnut aucun privilège conféré par la naissance. Il avait un nom, il se fit un prénom. Dabbagh devint dâ baax ! Il renonça aux honneurs et le Seigneur, exalté soit-il, le rétribua de la meilleure des façons en gardant son souvenir intact dans le cœur de tous ceux qui l’avaient connu. C’est tellement vrai qu’en période de tourmentes et de doutes, tous les esprits se tournent vers lui. Alors, entend-on fuser les regrets : « Ah, si Mame Abdou était encore là !»

C’est qu’il eut la présence d’esprit d’adorer le Créateur à travers Ses créatures. Accessible à eux, se préoccupant de leur sort, il s’offrit à eux comme un serviteur dévoué.

Pour cette raison sans doute, personne pratiquement ne parle de sa sainteté avérée, de son savoir énorme, de ses titres mais tous se pâment d’envie et de considération pour les hautes qualités prophétiques qu’il incarna parfaitement. Malgré tout, ceux qui sont dans les secrets des cénacles, lui reconnaissent une place de choix dans la hiérarchie des saints de son époque. Certains affirmant qu’il était le pôle des pôles de son époque- qutbul fardul jâmi’- qu’il était le secours (al ghaws). Ou encore le calife par excellence du prophète ( paix et salut sur lui) et du « soufre rouge « , le pôle des pôles de tous les temps, Seydina Cheikh (que l’agrément d’Allah soit sur lui !). Malgré tout, il choisit de ne rien laisser dévoiler de ses titres de sainteté. Il y réussit tellement que ceux qui sont friands de miracles auraient douté de sa sainteté n’eût été la conviction que vivre comme il l’aura fait, avec un tel effacement, à la limite de l’aplatissement devant ses semblables, sans une once de vanité, relevait du plus grand miracle. Son ouverture d’esprit et son aversion du sectarisme firent de lui un homme universel. Son sens civique élevé autant que sa conscience citoyenne parfaite, resteront à jamais gravés dans les mémoires de ses compatriotes. En effet, qui autant que lui savait maintenir et cultiver la parenté et le commun vouloir de vie commune des sénégalais ? On ne se souvient pas de l’avoir entendu faire un discours sans saluer, renouveler ou exprimer sa considération à l’égard des différentes communautés religieuses ou politiques du Sénégal. Il disait toujours : « wa M’Backé ak Moussobé », ou encore « wakeur sama baay serigne Touba », « Mgr Hyacinthe THIANDOUM ». Acteur du dialogue entre les religions, il sut, maintes fois, faire entendre la voix de L’Islam

Pour toutes ces raisons et pour tant d’autres, l’homonyme de l’auteur de kitab al ibrîz restera dans la conscience collective sénégalaise comme celui qui aura le plus symbolisé l’unité nationale. Bien inspiré a été celui qui eut à dire que c’est dans les cœurs que Mame Abdou a été enterré !

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